Sans doute faut-il remonter aux années Faivre d’Arcier pour trouver dans les annales un festival d’Avignon au bilan artistique aussi médiocre. Et encore : soucieux d’offrir des spectacles pour tous les goûts, BFA ratissait large et ramenait à l’occasion pépites et bonnes surprises. Pour cette 69e édition, qui s’achève le samedi 25 juillet, sur une quarantaine de propositions à l’affiche du in, les spectacles mémorables se comptent sur les doigts d’une main. Et ne sont pas franchement des découvertes. Donnée en ouverture du festival, Wycinka Holzfällen, l’adaptation par Krystian Lupa des Arbres à abattre de Thomas Bernhard, est une splendeur dans la lignée des plus grands spectacles du maître polonais, qui tourne depuis vingt ans dans les plus importants théâtres et festivals européens mais n’était pas encore venu à Avignon. Dont acte. Le Richard III, mis en scène par Thomas Ostermeier (invité, lui, presque permanent à Avignon) et centré sur la performance de l’acteur Lars Eidinger, est une production très efficace au succès attendu et mérité. Une réussite étirée sans grand risque par la direction du festival qui l’a programmée onze fois à l’Opéra (ex théâtre municipal), alors que la moyenne pour un spectacle invité au festival tourne plutôt autour de cinq dates. Enfin, la version portugaise d’Antoine et Cléopâtre imaginée par Tiago Rodrigues avec deux danseurs, spectacle d’une rigueur et d’une beauté formelle exceptionnelles, confirme la consécration d’un artiste encore relativement peu connu en France. Trois spectacles de haut niveau donc, plutôt seuls dans une forêt clairsemée.
Olivier Py et Agnès Troly, sa collaboratrice en charge de la programmation, peuvent alléguer que la déception est la loi du genre : pour les spectacles créés au festival d’Avignon, il est difficile d’augurer une réussite. Ils pourront aussi dire qu’ils ont cherché à sortir des réseaux où se retrouvent les programmateurs des autres grands festivals européens (le Kunstenfestivaldesarts de Bruxelles, le Wiener Festwochen…), en donnant notamment leur chance à de jeunes metteurs en scène français, de Nathalie Garraud (Soudain la nuit) à Benjamin Porée (La Trilogie du revoir), en passant par Jonathan Châtel (Andreas) ou Samuel Achache (Fugue). Des spectacles pas si mal, inaboutis ou franchement ratés, mais aucun choc susceptible d’alimenter la polémique. Les artistes argentins (notamment Claudio Tolcachir), semblaient en fin de cycle, le Teater N099 de Tallin en Estonie, dont l’activité tend au work in progress permanent, aurait sans doute gagné à montrer plusieurs de ses pièces. Quant aux trois performances/pièces courtes du festival XS soutenu par le Théâtre national de Bruxelles, elles ne donnent pas la sensation de se situer à la pointe de l’innovation.
Le manque d’audace esthétique de ce festival 2015 –symbolisé aussi par le Retour à Berratham, créé dans la cour d’honneur par le chorégraphe Angelin Preljocaj– semble donner en partie raison à ceux qui redoutaient une régression après les années de direction d’Hortense Archambault et Vincent Baudriller. Olivier Py avait lui même annoncé la couleur avant sa nomination en 2013, quand il disait vouloir réhabiliter le “théâtre de texte”. Pour l’heure, le texte n’y a pas non plus gagné. Artiste-directeur : la double couronne semble peser sur la tête d’Olivier Py. Plus que raté, son Roi Lear dans la Cour d’honneur semblait à bout de souffle et d’inspiration. Pour la 70e édition en 2016, Py pourra compter sur du “lourd” en renfort. La Comédie-Française a déjà confirmé sa venue avec, dans la Cour d’honneur une adaptation des Damnés, le film de Visconti, dans une mise en scène d’Ivo van Hove. Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil sont aussi pressentis. À suivre.
René Solis
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