Insultologie Appliquée. La Terre se réchauffe, les esprits s’échauffent, les chefs d’État s’injurient : l’insulte est l’avenir d’un monde en décomposition. Chaque semaine, la preuve par l’exemple.
Greta Thunberg est une vraie chieuse dans la mesure où, du haut de ses seize ans et de son syndrome d’Asperger, elle fait chier un nombre considérable de gens. Ce sont dans leur majorité des hommes, souvent de plus de cinquante ans, souvent de droite. Le philosophe Pascal Bruckner a ouvert le bal en avril, tonnant dans le Figaro contre « la propagande de l’infantilisme climatique » et stigmatisant jusqu’à l’apparence de la jeune fille : « Outre son Asperger qu’elle affiche comme un titre de noblesse, son visage terriblement angoissant semble nous dire, si vous ne le faites pas pour la planète, faites-le au moins pour moi. »
Trois mois plus tard, le passage de la Suédoise à l’Assemblée nationale excitait quelques-uns de ces messieurs. Le député LR Julien Aubert : « Ne comptez pas sur moi pour applaudir une prophétesse en culottes courtes ». Le sénateur LR Bruno Retailleau : « Une fée Clochette ». L’eurodéputé RN Jordan Bardella : « Une Jeanne d’Arc du climat […], une nouvelle forme de totalitarisme » (oui, dans la bouche d’un responsable de l’ex-FN). Le député LR Guillaume Larrivé : « Un gourou apocalyptique ».
Michel Onfray usait sur son blog d’une image plus contemporaine : « Cette jeune fille arbore un visage de cyborg qui ignore l’émotion — ni sourire ni rire, ni étonnement ni stupéfaction, ni peine ni joie. Elle fait songer à ces poupées en silicone qui annoncent la fin de l’humain et l’avènement du posthumain. »
En septembre, notre Bernard Pivot national en remettait une couche sur son compte twitter : « Dans ma génération, les garçons recherchaient les petites Suédoises qui avaient la réputation d’être moins coincées que les petites Françaises. J’imagine notre étonnement, notre trouille, si nous avions approché une Greta Thunberg… ».
« Elle peut aller se faire foutre »
Quelques jours plus tard, l’inconscient a fini par se libérer franchement dans un tweet de l’entraîneur d’une équipe de foot italienne : « Quelle pute ! Seize ans, elle peut aller se faire foutre. Elle est assez âgée ! ». Le type vient d’être viré.
Résumons : elle est jeune, c’est une femme, elle nous culpabilise, elle ne veut pas se taire. C’est le prototype même de la chieuse. Que pense la « fée Clochette » de ce déferlement, sinon de haine, du moins de mépris et d’insultes ? « Il fut un temps où la France préférait s’inspirer de Marie Curie plutôt que de la fée Clochette », répond-elle via les réseaux sociaux. Cette chieuse a de l’humour en plus ! Et le pire, c’est qu’elle n’a sans doute pas tort lorsqu’elle clame : « Cela ne devrait pas être à nous de prendre des responsabilités, mais comme les leaders de ce monde se comportent comme des enfants, nous n’avons pas d’autre choix ».
Cette planète en feu commence à ressembler à une cour d’école.
Édouard Launet
0 commentaires