Insultologie Appliquée. La Terre se réchauffe, les esprits s’échauffent, les chefs d’État s’injurient : l’insulte est l’avenir d’un monde en décomposition. Chaque semaine, la preuve par l’exemple.
Fini le petit confort et le grand inconfort du confinement. Retour au monde d’avant, en pire bien entendu. Ceux qui voyaient la sidération provoquée par la crise sanitaire comme un opportun moteur de révolution intellectuelle et politique sont condamnés à déchanter car une sidération bien plus durable s’annonce : celle qui va frapper quand nous aurons le nez dans la facture économique et sociale. Il est des vertiges dont on met des années à se remettre.
Voilà, c’est ce qui s’appelle insulter l’avenir. C’est un exercice dont raffolent les pessimistes. L’avenir est d’autant plus facile à insulter qu’il n’est pas (encore) là pour se défendre. Les optimistes, eux, préfèrent injurier le passé. Ils disent : non, ce n’était pas mieux hier, voyez donc les stocks de masques que nous avons détruits dans notre folle insouciance. Maintenant nous sommes bien plus sages : nous en avons des centaines dans nos placards. Ça va être Mardi gras tous les jours, une ère de carnaval sans fin se prépare. Et, emportés par une fougue rimbaldienne, ils courront bientôt sur les plages enfin rouvertes en réclamant que l’on tende des guirlandes de fenêtre à fenêtre et des chaînes d’or d’étoile à étoile, et que l’on laisse sonner des cloches de feu rose dans les nuages pendant que les fonds publics s’écoulent en fêtes de fraternité.
Entre les optimistes et les pessimistes, il y a tous ceux qui attendent de voir en serrant les fesses. Les fonds publics s’écoulent, certes, et ils semblent infinis. Comme est infiniment profond le trou dans lequel on les verse. Qui gagnera, du trou et des fonds ? Il aurait là un intéressant exercice de calcul de cours élémentaire à faire, avec robinets et tout le tintouin, mais les mathématiques sont mal à l’aise avec l’infini, et nous avec les mathématiques.
Nos rêves sont peuplés de monnaie hélicoptère et de programmes du Conseil national de la Résistance, d’hommes providentiels et d’idées neuves. Mais les meilleures choses — comme cette excellente chronique, dont c’est cette semaine la dernière livraison — ont une fin, et l’on finira par se réveiller. Ceci dit, les pires choses — comme cette désastreuse chronique — ont aussi une fin.
La nuit la plus sombre a toujours une fin lumineuse, a dit Winston Churchill.
C’était en 1942.
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