Insultologie Appliquée. La Terre se réchauffe, les esprits s’échauffent, les chefs d’État s’injurient : l’insulte est l’avenir d’un monde en décomposition. Chaque semaine, la preuve par l’exemple.
Les températures battent record sur record, un nouveau virus menace la planète, le populisme trumpien prospère, l’Europe part en morceaux, mais depuis quelques jours tout le monde s’en branle : il n’y en a plus que pour l’affaire Griveaux. Cet incident a certes des conséquences politiques non négligeables à l’échelle parisienne et sans doute nationale, mais l’effet de sidération qu’il produit tient d’abord au séisme provoqué dans l’inconscient collectif. La branlette comme carburant de l’actualité, ça, c’est vraiment de l’inédit.
Ainsi est-on passé directement des abus sexuels sur les jeunes patineuses aux pignolades d’un ancien ministre. Commentaire du nauséabond Marcel Campion, candidat à Paris : « Je ne veux pas faire de vilain jeu de mot, mais ça fait un branleur en moins ». Résumé lapidaire de l’incident par Serge July sur le plateau de LCI : « Comment peut-on être ministre et se branler devant une caméra ? Griveaux est un con ! ». On le voit, les vannes sont ouvertes et il est à parier que rien ni personne ne parviendra plus à les refermer. Si les révolutions s’annoncent d’abord par des mots, alors on peut s’interroger avec inquiétude sur la nature de celle qui poind.
De quoi branleur est-il le nom ? On se souvient de l’adresse twittée de Hugh Grant à Boris Johnson au plus fort de la crise du Brexit : « Va te faire foutre, espèce de canard de bain incompétent. Toi et ta petite bande de branleurs, vous révoltez la Grande-Bretagne. » Naguère, branleur était synonyme de flemmard ; aujourd’hui, il évoque vaguement l’Apocalypse. Ouvrons le Nouveau Testament : « Après ces choses, je vis un autre ange descendant du ciel, ayant un grand pouvoir ; et la terre fut illuminée de sa gloire. Et il cria d’une voix forte, en disant : Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande ! (…) Car toutes les nations ont bu du vin de la fureur de sa fornication, et les rois de la terre ont commis la fornication avec elle, et les marchands de la terre se sont enrichis par la puissance de son luxe. »
Conclusion : il est possible que le sexe en érection de Benjamin Griveaux soit un nouveau totem, celui autour duquel vont naturellement s’agglutiner les collapsologues, les révoltés et les prophètes de l’Apocalypse. Le « nouveau monde » est décidément plus surprenant que celui que l’on nous annonçait.
De toute évidence, il s’annonce comme un champ de ruines.
Édouard Launet
Insultologie appliquée
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