Insultologie Appliquée. La Terre se réchauffe, les esprits s’échauffent, les chefs d’État s’injurient : l’insulte est l’avenir d’un monde en décomposition. Chaque semaine, la preuve par l’exemple.
Va te faire foutre — chez nos voisins : go fuck yourself, fuck off, vaffanculo, vete a la mierda, fick dich — est une injonction que l’on adresse rarement à son patron, sauf à avoir sa lettre de licenciement en main, et encore. On évitera également d’en user avec sa conjointe ou son conjoint s’il reste un peu d’amour dans le foyer.
Margot Robbie parlant finances dans The Big Short d’Adam McKay
Par contre, on peut jeter des Va te faire foutre à la face des dirigeants politiques sans trop d’appréhension. « Va te faire foutre, espèce de canard de bain incompétent. Toi et ta petite bande de caïds branleurs, vous révoltez la Grande-Bretagne » a tweeté en septembre le délicieux acteur Hugh Grant, interpellant ainsi Boris Johnson alors que ce dernier venait de se lancer dans de tortueuses manoeuvres pour accélérer le Brexit.
Cela a valu à Hugh Grant un net regain de notoriété. L’Italien Beppe Grillo n’a pas trop souffert non plus d’être à l’initiative d’un « V-Day », alias un « Vaffanculo day », puisque son Mouvement 5 Étoiles se retrouve aujourd’hui à diriger le pays.
Chez Plumeau
Littéralement, aller se faire mettre n’est pas une occupation absolument désagréable, mais évidemment tout dépend par qui et comment. Dans le temps, un temps assez reculé il est vrai, on disait : va te faire voir chez Plumeau. Aujourd’hui on est nettement plus direct, ce qui évite toute forme de malentendu, et l’on dira volontiers : va te faire enculer. Il y a peu, dans les colonnes de Libération, le dessinateur Willem s’était fait traducteur de la pensée profonde d’Emmanuel Macron en lui faisant crier à l’adresse de ses administrés : « Allez tous vous faire enculer ». Car, oui, les enculés peuvent se muer en enculeurs. Nous sommes ainsi entrés dans l’ère de la politique de l’anus, parle à mon cul puisque ma tête est malade.
Il est clair que cette nouvelle ère ne sera pas celle des nuances et des circonlocutions. Quand le gouvernement brésilien conteste les prises de positions de la France sur l’Amazonie, il ne se lance pas dans une subtile argumentation, il s’en remet à son ministre de l’Economie Paulo Guedes qui, devant un parterre d’hommes d’affaires, déclarait récemment : « Le président [Bolsonaro] l’a dit, et c’est la vérité. Brigitte Macron est vraiment moche. » Que la politique d’Emmanuel soit attaquée latéralement par le biais du physique de Brigitte, pas désagréable au demeurant, est un autre signe de l’évolution des moeurs.
Viendra sans doute un temps où l’on s’étonnera que Paulo Guedes n’ait pas dit : « Brigitte Macron peut aller se faire foutre ».
Fini le petit confort et le grand inconfort du confinement. Retour au monde d’avant, en pire bien entendu. Une sidération durable s’annonce : celle qui va frapper quand nous aurons le nez dans la facture économique et sociale.
Rien ne va plus entre le Président et son Premier ministre. Les nerfs sont à vifs, les enjeux énormes, les responsabilités écrasantes. À preuve, ce violent échange qui a eu lieu la semaine dernière dans le Jardin d’hiver de l’Élysée.
Il y a au moins un événement culturel dont la pandémie n’a pas eu la peau : la Journée Mondiale du Pangolin. Elle se tient chaque année le troisième samedi de février. En 2020, sa neuvième édition est tout juste passée entre les gouttes.
Le chemin qui va du coronavirus à la Shoah est étroit, tortueux et improbable. Pourtant, la pandémie a vite atteint le point Godwin, ce moment où, dans tout débat, les adversaires finissent par s'injurier en se jetant à la figure des allusions à l'Allemagne nazie.
La visite d’Emmanuel Macron chez le professeur Didier Raoult, jeudi dernier à Marseille, s’est extrêmement mal passée. Un témoin a saisi ce bref échange entre les deux hommes à l’arrivée du convoi présidentiel. Le chef de l'État semblait passablement énervé.
Il ne se passe pas une heure sans qu’un policier se fasse traiter d'enculé ou de con, et une infirmière de pute ou de salope par un énervé aux urgences. La pandémie met en lumière la pauvreté consternante de notre répertoire d’injures.
Le rap est certainement le champ artistique le plus réactif à l’actualité. Si ses mélodies sont rarement surprenantes, ses textes ont un caractère printanier qui sied à la saison et aux circonstances. En témoignent ces quelques sorties récentes...
Les insultes traversent moins facilement les océans que les virus. Prenez Joe Biden, bien parti pour être le candidat démocrate aux prochaines présidentielles américaines, qui semble puiser ses insultes dans le cinéma du milieu du siècle dernier.
La planète fait donc face à deux épidémies : celle du virus et celle de la peur. La seconde tue rarement mais fait plus de victimes que la première. On s’en défend comme on peut. Par l’humour éventuellement, mais cela donne pour l’instant des résultats désastreux...
Le débat politique, aux États-Unis comme dans un nombre croissant de pays, s’est mué en un métaphorique numéro de cirque opposant clowns maléfiques et incompétents sans convictions. Le spectacle pourrait être divertissant sauf que ce n’est plus un spectacle.
En France, le réseau Twitter est devenu la première arène politique, loin devant les chambres parlementaires. Des textes de quelques dizaines de signes et des vidéos de quelques dizaines de secondes orientent les débats, font et défont les carrières.
Les températures battent record sur record, un nouveau virus menace la planète, le populisme trumpien prospère, l’Europe part en morceaux, mais depuis quelques jours tout le monde s’en branle : il n’y en a plus que pour l’affaire Griveaux.
La flagornerie est parfois pire que l’insulte. Cela peut même tourner à l’assassinat, comme la journaliste Anna Cabana en a fait une convaincante démonstration il y a quelques jours sur BFM-TV, dans une séquence qui n’a pas fini de réjouir Internet.
Le tennis est une activité idiote pratiquée par des gens en short dont l’unique but est de se débarrasser d’une balle en feutre jaune en tapant dessus comme des sourds, quoi qu’il se passe autour. Parfois, cela peut durer des heures. Et en agacer plus d'un.
Entre les États-Unis et l’Iran, les insultes volaient bien avant les drones et les missiles. L’échange de mots doux remonte à la crise de 1979. Les États-Unis "Grand Satan", comme disait alors l'ayatollah Khomeiny. L’arrivée au pouvoir de Donald Trump n’a rien arrangé à l’affaire.
L’affaire Matzneff a réveillé un volcan que l’on croyait éteint : les querelles littéraires. Ces dernières ont ceci de particulier qu’on commence par y parler livres avec moult circonlocutions et l’on finit par se jeter la Shoah à la figure.
Le populisme se porte de mieux en mieux, le climat se dégrade, les relations sociales se durcissent, la jeunesse désespère ou s’en fout, tandis que les mots se font de plus en plus violents. Pourquoi se priver ?
Il arrive, lors d’un match de foot ou de rugby, que l’arbitre soit invité par une partie du public à se rendre aux toilettes. Cela signifie généralement qu'une de ses décisions est contestée, mais cela ne dit pas ce que l’intéressé est censé faire aux chiottes.
Les amabilités entre chefs d’État se poursuivent et, il y a quelques jours, c’était au tour du président turc Recep Tayyip Erdogan d’ouvrir le feu, en déclarant que son homologue français Emmanuel Macron était en état de mort cérébrale. Ce dernier n'a pas du tout apprécié...
"Ferme ta gueule !" est une injonction qui est rarement suivie d’effet, ou qui produit l’effet inverse à celui recherché : l’autre se met à gueuler plus fort. Fermer sa gueule est facile tant qu'on ne vous le demande pas. Le général Georgelin aurait dû le savoir...
Fin octobre, plusieurs habitants de l'Orne et de la Sarthe ont reçu chez eux une boîte contenant des excréments. Elle était accompagnée d’une lettre se terminant par cette formule de politesse : “Je vous emmerde cordialement”...
Par les temps qui courent, on se balance tant de noms d’oiseaux sur Internet et dans les assemblées parlementaires qu’il vaut mieux savoir à quoi l’on a affaire. Ça tombe bien : les insultes et injures font l’objet d’un nombre croissant de travaux de recherche.
Elle est jeune, c’est une femme, elle nous culpabilise, elle ne veut pas se taire. C’est le prototype même de la chieuse. Greta Thunberg fait chier un nombre considérable de gens. Et en plus, elle a de l'humour.
Il y a un demi-siècle, les Rolling Stones faisaient scandale aux États-Unis. Aujourd’hui c’est Mick Jagger qui s’indigne des nouvelles mœurs américaines et britanniques. La provocation aurait-elle changé de camp ?
De nos jours, les salopes volent en formation serrée. En juin dernier, l’Académie française, à laquelle nulle dérive langagière ne saurait échapper, a même tenu à rappeler l'étymologie du terme, que l'on ne saurait résumer au féminin de salaud...
Tout a basculé le 23 février 2008. Ce jour-là, un président de la République en exercice — par ailleurs chef des armées, co-prince d'Andorre et chanoine d'honneur de la basilique Saint-Jean-de-Latran — gratifiait un de ses concitoyens d’un "Casse-toi, pauv' con !".
Je t’encule, tu m’encules, nous nous enculons en rond, au point que cela en devient vertigineux. Hier nous avions Racine et Corneille, aujourd’hui nous avons des enculés, des trous du cul et si peu d’alexandrins. Il faut dire que le débat politique est vif.
C'est l'année des fils de pute (et elle est loin d'être terminée). L’an prochain sera-t-il celui des salopes et des enculés ? On peut en douter car les fils de pute ont la peau dure, si bien qu’ils pourraient bien squatter la planète jusqu’au grand effondrement.
En politique l’insulte n’est pas précisément une nouveauté. Ce qui est neuf, c’est son usage croissant (pour ne pas dire sa banalisation) jusqu’au sommet de l’État. Révolue est l’époque où les grands de ce monde avaient la vacherie drôle et feutrée.