Beaucoup croient que les échanges entre un Président et son Premier ministre sont toujours calmes et civils. Il n’en est évidemment rien, surtout en période de crise. Les nerfs sont à vifs, les enjeux énormes, les responsabilités écrasantes. À preuve, ce violent échange qui a eu lieu la semaine dernière dans le Jardin d’hiver de l’Élysée. Si violent et si peu discret que sa retranscription a atterri à délibéré dès le lendemain.
— Pas question. Tu m’entends bien Édouard, il n’en est pas question une seule fraction de millième de seconde ! Tu donnerais l’image d’un rat qui quitte le navire.
— Un rat ? Merci pour l’image, Emmanuel.
— Bon, un capitaine si tu veux. Tu sais, comme le commandant du Costa Concordia qui, après le naufrage à Giglio…
— Sauf qu’en l’occurrence ce n’est pas moi qui ai foutu le bateau à la côte. Tu as vu les chiffres ? Tu les sens monter, les émeutes dans les banlieues ? Tu la vois, l’ambiance à Pôle Emploi ? Et les gens privés de vacances cet été ? Et la rentrée sociale ? Et le pognon de dingue qu’il va falloir mettre dans les entreprises ? Excuse-moi, mais après avoir défendu la réforme des retraites et celle du chômage, je ne me vois pas baisser ma culotte jusqu’aux chevilles. Je te le dis clairement : ma décision est irrévocable.
— Ta culotte ? Tes chevilles ? Mais on s’en fout, mon pauvre Édouard. C’est dans les moments graves qu’on voit les vrais hommes d’État. Laisse-moi te dire ceci à mon tour : ta démission te grillerait pour le restant de tes jours.
— Eh bien, vire-moi.
— Mais pour mettre qui à la place ? L’allumé de Pau ? Xavier Bertrand ? Cette montgolfière de suffisance de Bruno Le Maire ?
— Tu vois, tu as le choix.
— Toi aussi : soit tu pars la queue basse et tu es mort, soit tu restes et tu fais le boulot.
— On a besoin de moi au Havre.
— Je ne te connaissais pas ce talent de comique.
— Eh bien, je crois que tout est dit. Ma démission sera sur ton bureau dans une heure. Tu peux en faire des confettis, voire pire, le résultat sera le même.
— Tu es un lâche !
— Quoi ?
— Un lâche.
— Et toi tu n’es qu’un petit connard arrogant. Et je t’emmerde. Va te faire foutre !
— Tu t’entends ? Non mais tu t’entends ? Je crois que tu as perdu la tête, mon pauvre Édouard. Mais je te pardonne, on subit une pression énorme, c’est vrai. Quand même, vu le bordel qui nous attend, il y aura largement du boulot pour deux. Tiens, fais-toi donc porter pâle une semaine, dis que tu as le Covid ou je ne sais pas quoi. Après, tu reviendras frais comme une rose.
— Non, c’est fini pour moi. Je peux épeler si tu ne comprends pas. Bonne chance, Emmanuel.
— Bon. Euh… Tu as le portable de Xavier Bertrand?
0 commentaires