La revue culturelle critique qui fait des choix délibérés.

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L’Art de faire voyager son doudou
| 24 Fév 2023

J’ai beaucoup de tendresse pour ce superbe timbre par Martin Mörck, artiste-graveur que j’ai découvert récemment. Ce petit timbre, avec le minimalisme de sa composition, l’équilibre du contraste blanc-bleu, et surtout le brio de sa technique (gravure sur cuivre au burin d’acier ; des jours de travail !) renvoie au monde de l’enfance, à la nostalgie, au réconfort procuré par les « vieux jouets », série suédoise de 1978 à laquelle appartient cet ours en peluche, et puis, bien sûr, il renvoie encore aux voyages, et à toutes ces personnes qu’il a reliées le temps d’une lettre à lire dans l’annonce de bonnes ou parfois de mauvaises nouvelles. Je me dis qu’Amélie Poulain aurait sans doute aimé apposer ce nounours sur les photos du nain de jardin globe-trotteur qu’elle faisait envoyer à son père.

En fait, je crois que lorsque j’aurai l’occasion de retourner chez ma mère – je n’y vais pas assez souvent: vilain fils! –, j’en profiterai, après le repas, pour monter dans le grenier dénicher mon ancienne collection de timbres, celle que l’on entame enfant et qu’accompagnent tant de péripéties, anodines et joyeuses, qui nous enseignent la patience, la rigueur et l’attention : l’attente du passage du facteur ; la surprise de découvrir l’oblitération du courrier ; l’excitation pour le timbre inconnu ou celui qui complète une série déjà entamée avec de nouveaux coloris ; le délicat décollage par plongeon dans l’eau chaude ; le séchage entre deux buvards ; puis la pose méticuleuse dans le carnet avec les autres. La vieille collection des timbres de l’enfance que l’on délaisse puis oublie quelques années plus tard…ou pas.

Depuis pas mal de temps, la mienne prend la poussière sur les étagères au fond du grenier de la maison familiale ; un débarras obscur où sèche le linge de maison, mais qui est encore un refuge pour les reliques du passé que l’on ne s’est jamais résolu à jeter ; un lieu emplis de fils noués aux souvenirs qu’il suffirait de tirer à soi, sans explication, pour faire refluer le temps comme un magicien, pour ramener de l’ombre les trésors, les amener à la conscience, les animer et les contempler : la mémoire pure.

Un jour que je serai chez ma mère, en feuilletant pour la première fois depuis des années les pages de ces vieux albums aux timbres resserrés les uns contre les autres sur les lignes de présentation, protégés des agressions de l’extérieur par un film de plastique, peut-être aurais-je alors une belle surprise, celle de le trouver sous mes doigts cet ours bleu voyageur, entre deux rangées de timbres abandonnés.

Mon doudou m’attend là-bas, je le sais il n’est pas perdu, oblitéré. Mon objet transitionnel…

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