La revue culturelle critique qui fait des choix délibérés.

La revue culturelle critique qui fait des choix délibérés.

Traduire ses craintes
| 23 Oct 2020
Couvre-feu : A. Sonnerie qui donne l’avertissement d’éteindre les lumières et de ne plus sortir de chez soi. Interdiction de circuler, de sortir de chez soi par mesure de police ou en vertu d’un ordre de l’autorité militaire. B. [Par extension et au sens figuré] Étouffement de l’intelligence, des aspirations légitimes ; déclin ou fin de quelque chose qui représentait une valeur collective. (Trésor de la langue française)

Une chose est sûre, ça ne fait envie ni au sens propre ni au figuré. Voire ça fout la trouille.

Heureusement, nous ne sommes pas seuls.

En France, on le sentait arriver, ce fameux couvre-feu. Alors, avant qu’il ne nous tombe dessus, on allait prendre la température ailleurs. Au hasard, en Allemagne.

« Coronavirus: comment se passe le “couvre-feu” en Allemagne? » se demande Julien Sellier — à qui il faut désormais une attestation de déplacement pour aller présenter son Petit matin sur RTL – ce mercredi 14 octobre, quelques heures avant l’annonce officielle de ce fameux couvre-feu si redouté en France.

Écoutons.

 

En matière de couvre-feu, « on cite souvent l’exemple allemand » explique le journaliste. Oui, mais voilà, il y aurait « des nuances de couvre-feu ». Ce que confirme Jérôme, « un Français commercial à Francfort », qui émet l’hypothèse d’un problème de traduction : « couvre-feu… c’est peut-être une erreur de traduction des textes allemands ». Et de préciser : « on est toujours libre ici de circuler ». Quelques détails sur la situation locale permettent de comprendre que de couvre-feu, nenni. Des bars et des restaurants qui ferment à 23 heures, ça oui.

Mais n’aurait-on pas anticipé, en France, ce que l’on craignait qu’il arrivât ? Soit, bel et bien, un couvre-feu ?

En Allemagne, on parle (pour l’instant) de Sperrstunde (Stunde = horaire / Sperre = restriction/interdiction) pour évoquer les mesures appliquées sur place :

     

Mais on parle de Ausgangsperre (Ausgang = sortie, Sperre = restriction/ interdiction) pour évoquer le couvre-feu imposé en France.

On en serait presque à se demander si l’on n’aurait pas traduit, en français, une crainte (française) plus qu’une réalité (allemande).

Au final, le couvre-feu a bien été décrété (en France).

Comme me le disait récemment un taxi madrilène : « ils s’en foutent les Français d’avoir un couvre-feu à 9 heures. À c’t’heure-là, ils dorment ».

Depuis, le couvre-feu a également été instauré à Madrid. Mais qu’on se rassure : à partir de minuit.

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dans la même catégorie

La maîtresse, l’amante et la fillette

Si vous êtes adeptes des réseaux sociaux qui vous connectent au monde entier, et dans toutes les langues, vous aurez remarqué qu’il n’est point besoin de parler la langue du cru pour aller voir ailleurs. Une traduction simultanée est en effet désormais proposée par la plupart des réseaux qui publient du contenu en ligne. C’est pratique. Mais dangereux.

Kelly Rivière remonte à la source

À partir d’un secret de famille (un grand-père irlandais disparu dont personne ne veut parler), Kelly Rivière, seule en scène, offre une hilarante pièce intime solidement construite. Dans sa quête des origines, elle passe sans cesse d’une langue à l’autre, jusqu’à brouiller les repères, comme si les barrières linguistiques étaient emportées par le flux de son histoire. Une incertitude linguistique qui fait écho aux incertitudes d’un final qui laisse beaucoup plus de questions que de réponses.

L’arbre à sang: traduire à l’oreille

Sur la scène des Plateaux Sauvages, trois actrices interprètent L’Arbre à sang, de l’auteur australien Angus Cerini, dans une mise en scène de Tommy Milliot. Entretien avec Dominique Hollier, l’une des trois comédiennes, mais aussi la traductrice de la pièce.

IA et traduction littéraire

Deux associations de traducteurs, l’ATLF (Association des traducteurs littéraires de France) et Atlas (Association pour la promotion de la traduction littéraire) ont publié une tribune conjointe intitulée « IA et traduction littéraire: les traductrices et traducteurs exigent la transparence ». Elle alerte sur la propagation de l’IA dans le domaine de la traduction.