“Elle ne cuisinait que des pâtes depuis un mois, il la tue à coups de marteau.”
Ce drame affreux (imaginez la quantité de pâtes que l’on peut absorber en une soixantaine de repas !) s’est déroulé en Turquie à Trabzon, ville née sur les ruines de l’ancienne Trébizonde. “Elle ne s’intéressait plus à moi, c’était insupportable. Depuis un mois, elle ne cuisinait que des nouilles”, a déclaré le mari à la police, qui l’a rapporté à l’agence nationale Anatolie, laquelle a été reprise par l’AFP. C’est à peu près tout ce que l’on sait de l’affaire. Le reste, il faut bien l’imaginer.
Jour 1 : Raviolis à la tomate, au fromage et à l’huile d’olive. Sukran (c’est la femme) chante devant le fourneau. C’est un peu la fête. “Ça me rappelle l’Italie”, dit le mari.
Jour 4 : Rigatonis avec un soupçon de gruyère. Le mari se plaint de ce que le dernier bout de parmesan ait été refilé au chat.
Jour 10. Spaghettis sans beurre. Il reste un fond de ketchup dans le frigo. Le mari shoote dans le chat qui s’écrase contre la télé. La télé tombe, le chat agonise.
Jour 15. Coquillettes trop cuites. Sukran regarde fixement son assiette. L’homme aux yeux fous farfouille dans le buffet à la recherche d’un bout de pain.
Jour 25. Re-spaghettis. Le mari quitte la table pour aller ranger sa boîte à outils. Il lance une clé de 12 vers la salle à manger. Les épaules de Sukran s’affaissent.
Jour 29. Re-rigatonis. La perceuse électrique vole à travers la pièce.
Jour 30. Re-coquillettes. Marteau.
Les différends conjugaux qui se terminent à coups de marteaux (de clubs de golf, fers à repasser, bouteilles ou autres objets contondants) ne sont pas si rares, surtout dans les pays où les armes à feu ne sont pas largement disponibles. L’assaillant peut tout aussi bien être une femme qu’un homme, et les circonstances sont infiniment diverses quoique dans toutes ces affaires on trouve un motif sérieux de dispute, et pas mal d’alcool. Toutefois une lecture diagonale des revues de médecine légale ne laisse apparaître aucun autre cas dans lequel des pâtes alimentaires auraient été à l’origine des coups mortels.
Il est vrai que la littérature scientifique s’intéresse plus souvent aux aspects techniques de ces meurtres qu’à leurs mobiles. Afin de fournir des pistes aux enquêteurs qui viendraient à ramasser des marteaux ensanglantés de frais, deux chercheurs indiens de l’université de Calcutta ont mené une étude fort originale en utilisant des noix de coco, du sang de porc et un marteau de modèle standard. Ils ont cochonné tout leur laboratoire en tapant comme des furieux, puis ont fait diverses mesures avant de conclure, dans le Journal of Advances in Physics, qu’un marteau ayant servi à porter dix coups à la tête d’une victime avait à sa surface plus de molécules d’hémoglobine qu’un marteau lâché dans une flaque de 30 centilitres de sang. Ceci, la science vous le donne pour certain.
On sait en outre que la présence d’un égouttoir à pâtes sur la scène du crime est un indice à ne pas négliger.
Édouard Launet
Sciences du fait divers
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