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Famille, humour et patrimoine
| 07 Oct 2018

#guide

  

Les séries dont le héros est l’argent ne manquent pas. L’argent, ses prédateurs en tous genres (Billions sur Canal plus), son pouvoir et sa transmission (férocissime Succession sur OCS). Dans la série danoise Les Héritiers diffusée sur Arte, il est bien sûr question d’argent, de pas mal d’argent : un manoir de belle taille avec terres, et les œuvres de Veronika Grønnengaard, artiste contemporaine cotée au plus haut.

Mais quand on parle d’argent, surtout en famille, on parle toujours d’autre chose. C’est ce qu’explore la scénariste danoise Maya Ilsøe, en 17 épisodes. L’argent comme révélateur lorsque Veronika Grønnengard, agonisante, lègue son immense manoir à la fille qu’elle a abandonnée. Frustrant ainsi ses enfants officiels : sa fille aînée et dévouée à son art, Gro, le fils rangé avec lequel elle est brouillée, Frédérik, et le cadet surendetté en fugue asiatique, Emil. Ceci pour résumer très succinctement ce qui va vite devenir plus complexe, avec zeste de Festen, secrets de famille ravageants, affections survivant aux conflits presque mortels, scènes habitées par la grâce dans un paysage ouvert, mais souvent dénué de la joliesse habituelle.

Bref, une saga familiale doublée d’une réflexion sur les multiples formes de la filiation, le monde de l’art, aussi feutré que cruel, la créativité ou la culture du chanvre. Les poncifs ne sont pas toujours évités – le fils bien sous tous rapports flirte avec la psychose – mais sauvés par la nuance, l’épaisseur littéraire des personnages et le jeu remarquable des acteurs, à commencer par Tryne Dilholm (qui justement a joué dans Festen, entre autres) et surtout Jesper Christensen, acteur multi récompensé, cette fois hippie très au long cours installé à demeure en fond de parc, souvent calamiteux, mais toujours inspiré qui à lui seul réinsuffle ce qu’il faut de folie. En prime, et ce n’est pas un détail, qu’il s’agisse de musique ou de sculptures, pour une fois les démarches artistiques n’apparaissent pas comme des caricatures.

Sans surprise – famille vénéneuse et attachante, humour et patrimoine, réalisation plus que soignée –, Les Héritiers, après le Danemark, ont emballé la Grande-Bretagne. 

Dominique Conil
Guide

Les Héritiers, saisons 1 et 2 intégrales sur Arte. Fin de diffusion en direct de la saison 2 le jeudi 11 octobre, fin du replay le 18 octobre. Ensuite, VOD.

  

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14 – En finir ou pas

Il y a trois types de séries:  celles qui se sont terminées trop tôt, celles qui n’en finissent plus et celles qui n’auraient jamais dû commencer. La dernière est de loin la plus fournie. 

13 – L’art et la manière

D’une série, on connaît souvent les acteurs et les créateurs, plus rarement les réalisateurs, et jamais le directeur artistique. Or cette dernière fonction est essentielle. L’esthétique d’une série ne se résume pas aux décors et aux costumes, c’est une question d’atmosphère globale, chose impalpable qui impressionne la rétine à chaque plan.

12 – L’éros des héros

Les bonnes séries sont de formidables fabriques de héros. D’épisode en épisode, d’aventure en aventure, on finit par tout connaître d’eux. Ces êtres chimériques sont de parfaits compagnons, presque des amis, même si l’on sait que ce ne sont que des marionnettes dont les fils sont tenus par des armées de scénaristes.

11 – Affaires de famille

Les histoires de famille tournent mal en général. Surtout dans les séries américaines. Il y a mille manières de détruire un foyer et autant d’entretenir un brasier, ce qui fait que les séries familiales alignent un nombre conséquent de saisons.

10 – Pour lendemains de cuite

Mal écrites, mal jouées, mal réalisées: ce sont les séries nanars. Il faut en voir quelques-unes pour mieux apprécier les autres. On ne va pas nécessairement jusqu’au bout de la première saison, ni même du premier épisode parfois, mais il est possible d’y prendre un plaisir pervers un lendemain de cuite…