Tomber des limbes, de l’Olympe ou des cintres n’est pas chose si facile surtout lorsqu’on pourrait s’emberlificoter dans les volants et la traîne d’une bata de cola. Mais Rocío Molina qui a plus d’un tour dans sa jupe, s’en sort parfaitement. Elle manie fort bien la robe et surtout elle sait la transformer en un paysage blanc, nuageux ou en crème chantilly. Ce n’est que le début d’un spectacle où elle gagne la partie grâce à ses qualités techniques et musicales et à son humour assez dévastateur et bienvenu en ces temps de retours de bâton sexistes.
Dans un précédent spectacle au titre mystérieux comme les sorcières, les forêts et autres faunes qu’il mettait en scène, Bosque Ardora, elle présentait une pièce de groupe parfaitement réglée. Inoubliable. Au Théâtre national de Chaillot où elle est artiste associée depuis 2014, elle revient à une forme solo (la plupart des flamencos ne peuvent pas s’en empêcher), après avoir développé une série d’Impulsos sur les berges de la Seine à l’aube, dans une discothèque de New York ou dans le Grand Foyer de Chaillot. Cela se sent, l’expérimentation a porté ses fruits et la danseuse et comédienne farceuse est une des grandes, malgré sa petite taille, ou justement grâce à elle.
Moquant les travers ce ceux supposés marcher droit, elle s’amuse de toute évidence. Elle troque la robe traditionnelle pour une tenue de torero. Elle se paie une érection masculine et elle remplace les “bijoux de famille” par un sachet de bonbons lumineux (ou quelque chose dans le genre, une enveloppe d’une surprise peut-être…). On sent bien dans la salle que les flamencos “puros” grincent des dents mais, comme à Séville où l’on avait vu la salle l’ovationner, ce sont les jeunes gens qui adhèrent (et nous aussi). Ce n’est pas son meilleur spectacle, qu’importe. La scène où, limace, elle rampe sur scène pour épandre des humeurs de couleur vinasse ne nous réjouit pas outre mesure. Ça vire au vinaigre. Mais enfin, un petit tour chez Bacchus ne se refuse pas.
Pour le reste, tout est juste, les pas, la relation avec les musiciens, les changements de registre. Elle sait relier l’Olympe à l’Enfer en passant par le Jardin des délices sans en faire un supplice. Elle relie les anciens –et surtout les anciennes– du flamenco, qu’elle a bien étudiés, et les projette. Comment dit-on déjà ? Bravo.
Marie-Christine Vernay
Danse
Rocío Molina, Caída del cielo, salle Jean Vilar, Théâtre national de Chaillot, 1 place du Trocadéro, Paris 16è, 0153653122, jusqu’au 11 novembre.
Puis, au Radiant de Caluire-et-Cuire (69), 1 rue Jean Moulin, le 15 novembre.
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