“2017, Année terrible” : chaque semaine, une petite phrase de la campagne des présidentielles passe sous l’hugoscope. Car en France, lorsqu’il n’y a plus rien, il reste Victor Hugo.
Jean-Luc Mélenchon et son directeur de campagne Manuel Bompard sont en train de lire Le Monde daté du 29 décembre en jubilant. En Une, ce titre : « Mélenchon, nouvelle star de YouTube ».
Mélenchon : C’est quelque chose comme le vingt-quatrième papier sur le thème, non ?
Bompard : Le vingt-cinquième, Jean-Luc.
Mélenchon (lisant) : « Avec près de 140 000 abonnés, il est de loin le premier YouTubeur des politiques français. » Quand même, ils se foutent du monde au Monde : j’en ai plus de 200 000, des abonnés !
Bompard : En comptant large, si tu veux.
Mélenchon : Et Fillon ?
Bompard : Sa chaîne YouTube en est à peine 3000. Il faut dire que c’est d’un chiant cosmique. Et puis ses électeurs en sont peut-être encore au Minitel…
Mélenchon : Manuel, il me faut 500 000 abonnés avant le premier tour. Au boulot ! On fait comment ?
Bompard : Il faudrait recruter sur Twitter des types qui nous feraient vraiment du buzz.
Mélenchon : Sheila ? France Gall ? Nana Mouskouri ? David Bowie ?
Bompard : David Bowie est mort, Jean-Luc. Et les autres ne sont pas dans un état formidable.
Mélenchon : Pourquoi on ferait pas voter les morts, comme en Corse ?
Bompard : C’est assez délicat comme exercice. Non, mieux vaudrait trouver un jeune.
Mélenchon : Tiens, j’ai une idée : Victor Hugo !
Bompard : Hugo ?
Mélenchon : Hugo le grand, l’immense, le prodigieux !
Bompard : C’est un jeune qui doit taper dans les 220 ans, je ne suis pas sûr que ce soit une idée si géniale que ça, Jean-Luc. D’autant que le mec est assez difficile à contacter.
Mélenchon : Tout de même, il n’y aurait pas un twittos qui se serait approprié le compte @victorhugo ?
Bompard : Laisse-moi voir… Ah oui, ça existe. C’est un Mexicain du nom de Victor Hugo González.
Mélenchon : Et il raconte quoi ce gars-là ?
Bompard : Rien sur toi, j’en ai peur. Il reposte des GIF à la con, pour l’essentiel.
Mélenchon : Parfait. On le contacte et on lui demande de nous faire des tweets de soutien. Il suffira de lui larguer quelques pesos.
Bompard : Tu crois que Victor Hugo aurait voté pour toi ? À la présidentielle de 1848, rappelle-toi, il avait soutenu Louis Bonaparte.
Mélenchon : Peut-être, mais il a pas mal changé depuis. Et puis on ne refait pas les mêmes conneries deux fois.
Bompard : Bon, et on lui fait raconter quoi à Victor Hugo ?
Mélenchon : Je ne sais pas, laisse-moi voir. Pourquoi pas des trucs comme : « Un ébranlement dans les intelligences prépare un bouleversement dans les faits : c’est Mélenchon. » @victorhugo
Bompard : Trop crypté.
Mélenchon : Bon, et ça ? « L’avenir presse. Demain ne peut pas attendre. L’humanité n’a pas une minute à perdre. Vite, vite, dépêchons, les misérables ont les pieds sur le fer rouge. Votez Mélenchon » @victorhugo
Bompard : Un chouilla grandiloquent. Et ça fait plus de 140 signes.
Mélenchon : Tu es chiant, Manuel. Si tu crois que la révolution va se faire au signe près ! Laisse-moi voir. Tiens : « Eschyle, Dante et Shakespeare n’avaient ni modèles ni maîtres. Parce qu’ils ont un modèle, l’Homme, et parce qu’ils ont un maître, Mélenchon » @victorhugo. Ca fait pile 140 signes en comptant les blancs, coco.
Bompard : Je ne crois pas que ce soit le nombre de signes qui pose problème ici.
Mélenchon : Ou ça : « Étant génie, il fraternise avec les génies : Mélenchon #FranceInsoumise » @victorhugo.
Bompard : Jean-Luc, comment te dire…
Mélenchon : Envoie tout de suite un petit mot en DM à ce González, je crois qu’on tient un truc.
Édouard Launet
2017, Année terrible
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