En raison d’une actualité très chargée, nous avons reporté à plusieurs reprises le dossier que nous voulions consacrer aux nouveaux animaux de compagnie. De nos jours, il n’est pas rare en effet de rencontrer au cours de nos déplace-ments quelqu’un avec un rat sur l’épaule ou tenant un furet en laisse. On connaît le succès de certaines espèces plus rares ; fennecs, phalangers volants, mouffettes et même wombats. D’aucuns ont été jusqu’à tenter d’apprivoiser des sponks ! Le résultat a été catastrophique, comme il fallait s’y attendre. Les associations de défense des animaux s’en sont d’ailleurs alarmés, de nombreux spécimens de ce curieux rongeur ayant été abandonnés cet été sur les aires d’autoroutes.
Afin de donner plus de vie à cette enquête en plusieurs volets, nous avions demandé à nos lecteurs et lectrices de témoigner de leur expérience en compagnie de leurs nouveaux amis, venus souvent de l’autre bout du monde . S’acclimataient-ils facilement à leur nou-vel environnement ? Nous avons reçu de nombreuses réponses, parmi lesquelles nous avons dû faire un choix difficile. Il était impossible de répondre à tou-te-s. Nous nous excusons auprès de ceux ou celles que nous n’aurons pas pu rencontrer.
La première personne dont nous avons recueilli le témoignage ne nous avait pas contactés, mais nous avait été signalée par une voisine – résidant dans le même habitat groupé – , très intriguée par l’arrivée récente d’un « étrange lapin géant ». D’après les riverains, il ne risquait pas de passer inaperçu dans ce modeste jardin partagé situé au cœur de la petite commune de Cachan (94) !
Nous avons rencontré le propriétaire Aldebert M. (le prénom a été changé), paisible retraité, en qui nous avons eu la surprise de reconnaître le découvreur de la malle de Christophe Mayeut, à l’origine de la fameuse affaire dont nous avions relaté en son temps les haletants rebondissements.
– Comment vous est venue l’idée d’adopter ce lapin géant ?
– Mais, ce n’est pas un lapin, c’est un oryctérope !
– Pardonnez mon ignorance, mais vous n’avez pas répondu à ma question.
– L’idée m’est venue après la perte d’un chat auquel j’étais plus attaché que je ne l’aurais cru. Quand il est « parti », j’ai versé une larme, mais cette larme n’était que la goutte qui cache la forêt !
– Que voulez-vous dire ?
– Que j’étais beaucoup plus triste que je l’aurais imaginé et je me suis dit alors ; puisque j’ai du mal à me passer de la présence d’un animal de compagnie, il serait peut-être plus judicieux d’en choisir un le plus laid possible, afin de ne pas être trop affecté le jour de sa disparition.
– Et vous avez eu du mal à faire votre choix ?
– J’avais d’abord pensé à certaines espèces de chiens, absolument repoussants…
– À quelles espèces pensez-vous ?
– Je préfère ne pas les nommer. Je ne voudrais pas faire de peines aux amateurs de pitbulls et autres rotweillers.
– Cette délicate attention vous honore.
– J’ai très rapidement éliminé d’autres « candidats », et mon choix s’est vite orienté vers l’éryctérope.
– Et regrettez-vous ce choix ?
– Et bien figurez-vous que contrairement à ce que j’imaginais, je commence à m’attacher à Sorbonne.
– Sorbonne ?
– Oui c’est son nom.
– Curieux nom pour un oryctérope.
– En fait, c’est très simple, l’oryctérope est également nommé « cochon de terre » traduction littérale de son nom en afrikaans ; aardvark. Pour simplifier, je pensais l’appeler Harvard et de là – restons français que diable – , j’en suis naturellement venu à Sorbonne.
– Ça se tient. Et comment s’est passée l’acclimatation ?
– Simple et naturelle, dès lors que j’ai pu fournir à Sorbonne son alimentation naturelle…
– Et quelle est-elle ?
– L’oryctérope ne se nourrit que de termites. Malheureusement, il n’y en avait pas dans notre habitat groupé. Il a donc fallu que j’importe une termitière et que je l’installe dans notre jardin, ce qui n’a pas été simple. Je l’ai faite venir à grand frais – et comme vous pouvez l’imaginer pour un tel chargement, par des voies un peu détournées ! – d’Afrique du Sud. À son arrivée à Cachan, le double coffrage en bois commençait à être sérieusement attaqué. Il était temps !
– Ainsi, vous êtes satisfait ?
– Je le serais… si l’implantation de cette termitière – pourtant modeste, elle ne fait que deux mètres de haut ! – , n’avait sensiblement dégradé mes relations avec mes voisins. Que voulez-vous, peu de gens sont vraiment prêts à changer leurs habitudes et à accepter plus de biodiversité !
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