À l’expo Oscar Wilde au Petit Palais, on s’attend à voir de touchantes lettres d’amour, des photos sépia de jeunes lords efféminés, les merveilleux dessins érotiques d’Aubrey Beardsley, et ces grandes toiles préraphaélites, hideuses et risibles aujourd’hui, qui faisaient les délices de la gentry anglaise et qu’Oscar portait au pinacle. On s’attend moins à y trouver André Gide, camarade de débauche, et Robert Badinter, qui revient en vidéo sur l’inique procès qui condamna Wilde à deux ans de travaux forcés pour homosexualité et incitation de mineurs à la débauche, alors qu’une bonne partie du gratin anglais, dont le Premier ministre, pratiquait ardemment les mêmes vices. La Grande Bretagne est impitoyable avec qui ne joue pas le jeu de l’hypocrisie ; elle le montrera à nouveau un demi-siècle plus tard en condamnant pour la même raison le génial Alan Turing, premier théoricien de l’informatique, à la castration chimique, et au suicide.
Pourquoi cette exposition est-elle in the right place ? Parce que Wilde est mort à Paris, en 1900, trois ans après sa sortie de prison ? Pas seulement. Quand on sort du Petit Palais, on tombe sur la statue monumentale de Winston Churchill qui, à l’école militaire de Sandhurst, fut accusé de pratiques “déviantes”, et n’évita un procès à la Wilde que grâce à ses très hautes relations et ses très bons avocats.
(Im)morale de l’histoire : devant la Justice, mieux vaut être un héros avec un gros cigare qu’un poète avec une plume acérée.
Nicolas Witkowski
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