Victor Hugo a disparu ! Ce matin, son caveau a été retrouvé fracturé, et par ailleurs absolument vide. Le commissaire Morandeux et son adjoint Bourmal ont été dépêchés au Panthéon pour mener l’enquête.
Morandeux : C’est quoi ce bordel ?!
Bourmal : Je ne sais pas, chef. Un gardien est entré vers 8h00 et il a…
Morandeux : Non, je veux dire : c’est quoi ce bordel dans le quartier, j’ai tourné au moins une demi-heure avant de pouvoir me garer. Quel coin pourrave !
Bourmal : C’est surtout l’affaire qui est pourrie. Nous mettre sur une profanation de sépulture alors que …
Morandeux : Quoi ? Une profanation de sépulture ? Mais c’est bien pire que ça, Bourmal, c’est un outrage à la Nation ! Un crime mémoriel, une infamie de dimension olympique, une atrocité absolue, un épouvantement terrible, un holocauste !
Bourmal : Quand même, chef, ils n’en ont pris qu’un.
Morandeux : Oui, mais il s’agit de Victor Hugo ! Vous ne vous rendez pas compte, Bourmal, ils nous ont chapardé notre poète national. C’est comme si on avait démonté la tour Eiffel ! Ça va faire un ramdam pas possible. Et c’est sur nous que ça tombe, putain.
Bourmal : C’est vrai que le Bateau ivre, c’est rudement fortiche.
Morandeux : Crétin, le Bateau bidule, c’est de Baudelaire ! Ou de Nerval, je ne sais plus. Enfin on s’en fout. Il y a des indices ?
Bourmal : Des empreintes.
Morandeux : Beaucoup ?
Bourmal : Plein.
Morandeux : Identifiées ?
Bourmal : Oui, mais euh… les gars du labo sont pas trop sûrs.
Morandeux : Dites quand même.
Bourmal : Il y aurait plusieurs suspects. Les dénommés Montebourg Arnaud, Mélenchon Jean-Luc, Bayrou François, Filoche Gérard, et pas mal d’autres en fait.
Morandeux : Sans déconner.
Bourmal : C’est ce qu’ils m’ont dit.
Morandeux : Ils vous ont pris pour un con. On ne peut pas leur donner tort.
Bourmal : Chef, je crois que c’est une affaire politique.
Morandeux : Ah merde, un samedi en plus ! Il y a un troquet fréquentable à proximité pour s’en jeter un ? Il va falloir qu’on réfléchisse un peu.
Bourmal : Il y a un McDo en bas de la rue Soufflot.
Morandeux : Bourmal, vous êtes vraiment con. Au fait, il y avait quoi dans le cercueil ? Des cendres, un squelette ?
Bourmal : J’en sais rien.
Le conservateur du Panthéon (surgissant, blême) : Messieurs, dans ce caveau, il y avait une pensée et un destin.
Morandeux (à son adjoint) : C’est qui, ce mec-là ?
Bourmal : C’est le patron.
Le conservateur : Je suis effondré. La France a été violée, la patrie a été dépeuplée.
Morandeux : Il en manque d’autres ?
Le conservateur : D’autres quoi ?
Morandeux : Ben d’autres cadavres.
Le conservateur : Ce n’est pas un cimetière ici, Monsieur, c’est une nécropole. La nécropole de la Nation …
Morandeux : On va pas commencer à jouer sur les mots. Vous étiez où cette nuit ?
Le conservateur (indigné) : Mais je… Comment pouvez-vous…
Morandeux (à son adjoint) : Tu vas commencer par m’embarquer ce mec-là, et puis tu feras le tour de la cave pour voir s’il en manque d’autres, on sait jamais.
Le conservateur : Il semble qu’il n’y ait plus rien dans le caveau de Voltaire, mais ce n’est pas récent. Ah Messieurs, le Panthéon vide de Voltaire et de Hugo, il faut probablement y voir comme un signe, un symbole. Disons une métaphore du délabrement général.
Morandeux : Une quoi ? Vous avez des pistes ?
Le conservateur : Non, je voulais simplement dire que ce pays va mal, que sa culture et ses valeurs sont en danger, que les grands hommes qui ont fait cette Nation sont en passe de disparaître pour de bon. Il était fatal que cette évaporation se fasse sentir jusqu’ici. Que faire, Messieurs ? Il vient une heure où protester ne suffit plus : après la philosophie, il faut l’action.
Morandeux (à l’oreille de son adjoint) : Tu me surveilles bien ce coco-là. Je vais prévenir la Préfecture que l’ultra-gauche trempe là-dedans.
Édouard Launet
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