Lights (1964-1966) de Marie Menken (1909-1970)
Lights, de la peintre et cinéaste américaine Marie Menken, est un formidable cocktail d’expérimentation, de fantaisie, de fureur et d’enthousiasme graphiques.
Trois années d’affilée, l’artiste est sortie de chez elle vers minuit pour aller filmer les décorations lumineuses sur les places et dans les vitrines au moment de Noël, et a tout mis bout à bout. Le résultat est une écriture luminescente, une peinture en cours d’exécution, un poème abstrait qui laisse transparaître la personnalité de celle qui scande, une femme adepte du changement et du mouvement, qui a utilisé sa caméra Bolex 16mm comme un pinceau et la pellicule comme un support où s’inscrivent ce que les mains, le cœur et les yeux font, pensent et voient. Le cinéma ici est plus action ou performance qu’enregistrement, et le corps de l’artiste donne le rythme, le tremblement halluciné qui rappelle les dessins mescaliniens de Michaux qui datent de la même époque.
Selon les mots de Menken, « faire des films a été une évolution naturelle de mon travail de peintre, surtout parce que ce qui m’intéressait, c’était la capture de la lumière, de son effet sur les surfaces et les textures, de sa façon de briller dans l’obscurité, de l’éclat des couleurs superposées, de la permanence de la vision et de la fatigue oculaire ».
Adepte d’un cinéma non narratif, elle a peint des gribouillages, elle a éclairé des idées débordant en dripping hors de la toile, en créant des tableaux mobiles, festifs et impétueux, dans le même registre que les « fêtes sauvages » qu’elle organisait dans son penthouse de la rue Montague à Brooklyn, en compagnie de son mari, le poète et cinéaste Willard Maas.
Nombreux sont les créateurs qui ont fréquenté la maison et ont mûri sous l’influence de la forte personnalité de Marie Menken, parmi eux Andy Warhol, Stan Brakhage, Jonas Mekas ou Kenneth Anger. Le couple Menken-Maas est devenu l’épicentre d’un mouvement frénétique et underground qui réunissait écrivains, cinéastes et artistes. Le charisme de Marie Menken a fait d’elle « la mère de l’avant-garde ».
Elle a réalisé plus de vingt court-métrages dont Visual Variations on Noguchi (1945), Glimpse of the Garden (1957), Arabesque for Kenneth Anger (1961), Notebook (1962), Go Go Go (1962–64), Watts with Eggs (1967) et Lights, film emblématique de son écriture effusive.
Ángela Bonadies*
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