Jamais trop en retard sur l’actualité nécrologique, délibéré, la revue qui fait des choix délibérés, présente tous ses vœux de condoléances (sic) aux célébrités ayant quitté l’existence au cours des dernières semaines.
Voici un petit peu plus de 10 jours, le 22 août dernier pour être précis, les téléscripteurs du monde entier énonçaient à une humanité bouleversée cette lamentable nouvelle : Sphen, le charmant petit manchot papou australien, célèbre pour avoir couvé des œufs et élevé des poussins avec son compagnon mâle – ce qui, sans être courant, n’est pas unique dans l’histoire des sphéniscidés–, est décédé tragiquement peu avant son 12e anniversaire, cela suite à l’annonce du décès de Alain Delon. L’autopsie exercée sur la dépouille de Sphen par les vétérinaires du zoo où ce dernier a passé l’entièreté de son existence a confirmé que ce dernier était mort de tristesse subite (sinistrose stuporeuse aiguë).
En effet, ce manchot épris de 7e Art n’a pas pu supporter la perte de son idole, Alain Delon, la grande icône archi-légendaire du cinéma français. Sphen a été retrouvé inanimé, sur le bord de « La Piscine », le regard perdu dans l’infini bleu du ciel, visiblement prêt à rejoindre l’au-delà pour se réunir avec son héros, si seulement il savait volait…
Ce manchot qui vivait une vie paisible dans son enclos du Sea life Aquarium de Sydney, entouré de son compagnon mâle et d’une famille aimante, avait trouvé en Alain Delon une passion dévorante. La petite communauté des manchots de Sydney était compréhensive quant à l’obnubilation delonoïde du défunt. Sphen passait des heures à observer les flims de l’acteur français, fasciné par son charisme et sa présence magnétique à l’écran. Pour mieux s’imprégner de l’univers mental de l’acteur, Sphen avait même appris le français par correspondance et collectionnait les armes à feu. On dit même qu’il avait appris à imiter le regard intense de Alain Delon, provoquant l’hilarité des autres manchots mais l’admiration des visiteurs du zoo venus spécialement pour l’observer. Pour cette raison, il recevait régulièrement la visite officielle d’un diplomate du consulat français de Sydney qui lui jetait des sardines à l’huile par-dessus son enclos pour le récompenser de promouvoir ainsi la culture française.
Ses amis, avec qui il partageait des moments de pêche et de glissade sur le béton imitation glace de sa prison dorée, ont confirmé aux journalistes qu’il avait passé ses derniers jours à regarder en boucle les flims de Alain Delon, laissant échapper de profonds soupirs à chacune de ses répliques. Les soigneurs ont tenté de le réconforter avec des poissons frais, quelques cigarettes à fumer, et la projection en version originale de Le Guépard, de Pour la peau d’un flic, de Parole de flic, et de Ne réveillez pas un flic qui dort, ses flims de Alain Delon préférés, mais rien ne pouvait combler le vide du manque laissé par le départ de son idole.
Aujourd’hui, la communauté des manchots de Sydney est en deuil. Un hommage sera rendu à Sphen, avec une projection de ses scènes préférées en plein air. A cette occasion, tous les animaux et le personnel du zoo sont invités, en costume noir et blanc, pour un dernier au revoir. Les manchots porteront un bandeau noir par-dessus leur smoking en signe de deuil, et la chorale des phoques entonnera une version émouvante des Feuilles Mortes.
Sphen, le manchot, a rejoint Alain Delon au firmament des légendes. Puisse-t-il glisser éternellement sur la glace, l’esprit apaisé par la voix douce de son acteur préféré.
Repose en paix, petit Sphen. Que la banquise te soit légère.
Nb : On espère que Magic, le compagnon de Sphen, supportera cette très douloureuse épreuve de deuil et qu’il pourra trouver du réconfort dans son veuvage à l’écoute des disques de son chanteur préféré, Alain Souchon à qui tous les ornithologues souhaitent la plus longue vie possible.
0 commentaires