Arrivée à Angoulême. Le parvis de la gare est assez désert. C’est pourtant l’ouverture du festival de la BD. Loin du monde des bulles, on tente de repérer la nouvelle médiathèque, qui a été inaugurée le 18 décembre. Il suffit de se retourner vers les rails pour l’identifier. Deux grands wagons empilés, l’un noir, l’autre doré, assortis aux teintes de la station, donnent l’impression qu’ils vont se mettre en mouvement. Impossible de traverser les voies. Il faut faire tout un détour, emprunter un pont, pour parvenir au quartier de l’Houmeau où cet équipement culturel a surgi, dans cette ancienne zone industrielle populaire, en rénovation urbaine. Encore en travaux. Une promenade verte doit couler vers la Charente, des logements, des entreprises et un grand parking sont attendus.
En s’approchant du bâtiment, c’est un autre jeu de volumes qui s’exprime. Cinq parallélépipèdes colorés, des boîtes toutes ouvertes par des baies vitrées à leurs deux extrémités, sont empilées. De telle sorte qu’elles forment, vues des hauteurs de la ville, le A d’Angoulême. D’où son nom, L’Alpha. Une vraie rupture avec les petites maisonnettes en pierre alentour. Sans que ce signal assumé ne soit trop agressif. Une mosaïque de lames d’aluminium (ou ventelles) pour les façades – gris, grenat, mordorés, noir –, du verre, du béton et de l’acier qui se combinent, et des jardinets tout autour, certains en décaissés, où les plantes lancent leurs premières lianes et feuilles timides. Voici pour l’empaquetage de cet équipement. Le temps gris ne permet pas de jouir des reflets de l’aluminium anodisé qu’il plaira au soleil de mettre en lumière.
Rentrons, il pleut ! Le grand hall d’accueil, prolongement des jardins extérieurs, dessert quatre niveaux. Deux ascenseurs, un escalier central camouflé par une grosse lanterne en lévitation, dont les parois blanches servent d’écrans pour des projections. Et deux autres escaliers, tels des passerelles d’avions, qui invitent à embarquer. Deux étages plus hauts, on se retrouve à l’Alpha Café, ouvert sur une large terrasse. Là, on décolle un peu, avec la vue sur le plateau historique, cet éperon angoumoisin dominant la Charente. “C’est un panorama inversé, il n’y avait pas de telle vue”, explique, amusée, l’architecte Françoise Raynaud, de l’agence parisienne Loci Anima.
Mais nous ne sommes pas que dans un bel emballage belvédère. Dans ce “grand magasin culturel”, tel qu’il est défini par l’agglomération du Grand Angoulème (maître d’ouvrage), il y a 130 000 titres classés – livres, magazines, journaux, DVD, CD, création numérique – dont 25 000 documents patrimoniaux et 18 000 BD. Et des écrans. C’est “un troisième lieu, entre travail et maison, une médiathèque nouvelle génération, ouverte”, préfère dire Françoise Raynaud. Là, elle a organisé trois mondes : “comprendre”, “imaginer”, “créer”. Ces espaces ont leurs couleurs et mobilier spécifiques, et offrent des extraits de paysages différents. Voir défiler les trains est assez stimulant. Pas de système d’aménagement standard dans ce grand outil de culture, gratuit. Pour les enfants, des meubles à roulettes, une incitation à l’informel. Un auditorium de 99 places, qui peut être lui aussi ouvert à la lumière naturelle, accueille projections et débats. On peut consulter, s’asseoir sur une large variété de 400 sièges confortables ou amusants, partager de grandes tables studieuses, ou s’isoler dans des petites loggias face à un ordinateur. La circulation d’un monde à l’autre est fluide. La climatologie intérieure est agréable. Car l’édifice est évidemment aux normes écologiques BBC (bâtiment basse consommation), il profite de la géothermie, et joue la ventilation naturelle. Il est par ailleurs parasismique. Coût de cette œuvre, 26,3 millions d’euros.
Depuis l’ouverture, 1000 visiteurs par jour sont venus ici consulter, travailler. Le tout Internet individualiste n’exclut pas le besoin de cliquer collectivement, ou de feuilleter du papier, nombre de villes qui ont fait le choix de bâtir une médiathèque le constatent.
Anne-Marie Fèvre
Médiathèque l’Alpha, 1, rue Coulomb, 16000, Angoulème. 05 45 94 56 00.
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