
et la veille de sa mort — dont on ne sut bien sûr que le jour de sa mort que ça avait été la veille de sa mort —, malgré l’état de grande faiblesse où il se trouvait depuis plusieurs semaines, il quitta son lit, monta — nul n’aurait imaginé qu’il en aurait la force — sur son tabouret de formica jaune, tira du faîte de son armoire sa petite valise de toile qu’il emplit d’une chemisette, d’un pantalon de coton, de deux paires de chaussettes, de ses sandales bleues, de sa trousse de toilette et de ses médicaments pour deux jours. À l’infirmier qui lui rendit visite à la nuit tombée pour le conduire aux toilettes et l’aider à s’installer dans la position où il dormait, presque assis, le buste adossé à ses deux gros oreillers, et qui s’étonna de ce bagage ouvert au pied de son lit, il répondit qu’il partait le lendemain pour Cuba. L’infirmière du matin le trouva dans son lit, le visage apaisé, le doigt dans un recueil de poèmes de Jeanne Desvagues, à la page où figuraient ces vers
perdre la vie
par tant d’orifices
que la mort
pour la recueillir
manque de mains
perdre la vie seulement
le surlendemain
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