Coup de vieux sur la Cour d’honneur du Palais des papes où Angelin Preljocaj présente jusqu’au 25 juillet Retour à Berratham, sa nouvelle création. Les danseurs de sa compagnie ne sont pas en cause : leur énergie collective sauve même la soirée d’un néant où la danse semble renvoyée à une fonction strictement illustrative. Un intrus s’est invité dans la Cour d’honneur et s’y cramponne : le texte. Laurent Mauvignier, son auteur, a déjà travaillé avec Preljocaj. Ce dernier avait imaginé un ballet à partir de Ce que j’appelle oubli, où Mauvignier revenait sur un fait-divers : le meurtre d’un jeune-homme dans un supermarché. Et cela fonctionnait plutôt bien.
Retour à Berratham est en revanche une pure fiction, une fable pour adultes, une histoire de viol et de meurtre dans une Europe en guerre. On peut nourrir quelques doutes sur l’authenticité de son souffle littéraire. D’autant que les trois acteurs auxquels Preljocaj a fait appel le déclament façon tragédie signifiante. Les mots qui s’insinuent partout relèguent les corps au rôle de faire-valoir. C’est à peu près aussi pénible qu’une cérémonie officielle avec discours. Ce grand retour en arrière esthétique, d’autres avant Preljocaj l’ont expérimenté au même endroit. On se souvient, il y a près d’un quart de siècle, d’un Dom Juan revu par Jean-Claude Gallotta et plombé jusqu’au ridicule par un livret aussi bavard que superflu. Il y a heureusement d’autres façons de marier texte et danse. Antoine et Cléopâtre, le spectacle que Tiago Rodrigues vient de présenter à Avignon, est interprété par deux danseurs qui n’arrêtent pas de parler. Dans un fascinant mélange de tension et de relâchement, sans une seconde de redondance entre les mots et les gestes.
René Solis
Danse
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