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1973 : la tour Montparnasse est inaugurée, Libération publie son premier numéro, les ouvriers de Lip sont en grève, Picasso meurt, les derniers soldats américains quittent le Viet-nam, le collège Édouard-Pailleron brûle. Pendant ce temps, Joan Miró prépare la grande rétrospective qui doit le mettre en vedette l’année suivante au Grand Palais à Paris. L’artiste de 80 ans semble saisi de rage. Partout on annonce la mort de la peinture, et Miró, semblant prendre les critiques au mot, balance de l’essence sur des toiles tout juste peintes et y fout le feu. La « performance » se déroule devant la caméra de Francesc Català Roca. Le film est projeté aujourd’hui à la Fondation de Serralves de Porto (Portugal), au milieu d’une exposition titrée « Miró et la mort de la peinture ». On y voit, outre ce film, quelques-unes des toiles en partie calcinées et diverses œuvres tardives de l’artiste.
Cette expo, qui se tient jusqu’au 3 mars, est un prolongement cocasse du nouveau grand déballage Miró (après celui de 1974) qui vient de s’achever au Grand Palais — voir ici. En la parcourant, quelques vagues réflexions viennent en tête. Un : les flammes n’améliorent en rien les tableaux de Miró. Deux : l’acte de décès de la peinture était un peu prématuré. Trois : la Fondation de Serralves est une grande ode au vide. Son immense bâtiment principal, lieu d’exposition temporaires (oubliables, pour les actuelles) célèbre davantage la blancheur de ses murs vierges que l’art contemporain. Dans le parc, la belle villa où se tient l’expo Miró est elle aussi remarquablement inhabitée, et en ce moment peuplée de toiles trouées. Le tout forme un grand totem que l’on pourrait baptiser la mort de l’art. Bref, la Fondation propose une expérience limite dont on aurait tort de se priver. Mais pas par un jour de grand spleen.
Édouard Launet
Guide
Joan Miró et la mort de la peinture, Fondation de Serralves, Porto. Jusqu’au 3 mars 2019
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