Pendant l’été, délibéré est allé à la rencontre de l’édition indépendante à Bordeaux et sa région. En préambule d’une série d’articles consacrés au dynamisme bordelais, cet entretien passionnant avec Georges Monti à Mazères en Gironde. Le fondateur de la maison d’édition Le Temps qu’il fait, sept cents livres au catalogue et nombre d’auteurs importants d’hier comme d’aujourd’hui, porte un regard éclairé sur l’édition indépendante qu’il pratique depuis quatre décennies. Le Temps qu’il fait a repris le titre d’un roman d’Armand Robin, poète libertaire du XXe siècle republié par la maison. Depuis plus de quarante ans, les éditions Le Temps qu’il fait publient des textes littéraires « d’auteurs originaux et de talents singuliers », rappelle-t-elle dans le texte de présentation publié sur son site Internet. « Assumant pleinement leur statut de petit éditeur, les éditions Le Temps qu’il fait poursuivent désormais, non sans faire, avec plusieurs autres, ce constat quelque peu désabusé : le rétrécissement de leur rôle (poisson-pilote ou voiture-balai), la raréfaction des grands lecteurs, l’accroissement des coûts réels de diffusion, la diminution de la reconnaissance médiatique ne sont que les symptômes apparents d’un profond bouleversement de la vie du livre — dont il incombe à chaque acteur, de l’auteur au lecteur en passant par tous les médiateurs possibles, de retarder la déconfiture, avec acharnement. »
Les éditions Le Temps qu’il fait ont plus de quarante ans. En tant qu’éditeur indépendant, quelles sont les évolutions auxquelles vous avez assisté ?
J’ai commencé en 1981. À mes débuts, j’ai fait comme tout le monde : j’ai bricolé, j’ai essayé de vendre mes livres moi-même. Nous étions isolés comme petits éditeurs débutants. On démarchait des libraires, certains prenaient nos livres mais après comment on faisait ? Il n’y avait jamais moyen de les faire payer, il fallait courir, passer son temps au téléphone, c’était infernal. La grande question, c’est d’avoir des outils qui permettent la distribution. Pas seulement quelqu’un qui fait le paquet, mais quelqu’un qui se charge des factures et les recouvre. C’est la réponse numéro un.
La première structure de prestation de services à laquelle j’ai eu à faire s’appelait Distique. C’était une structure originale de distribution créée par des gens qui avaient une dimension militante. Avant eux, des structures qui proposaient un service de distribution à des petits éditeurs, ça n’existait pas. Il fallait être une entreprise avec des ambitions commerciales et des moyens pour signer un contrat avec Hachette. Distique était une entreprise libérale mais qui fonctionnait dans un esprit de transparence, de partage : il y avait deux fois par an une sorte d’assemblée générale non pas des actionnaires, nous n’étions pas actionnaires, mais des distribués. Ça a crée un bouillonnement entre les éditeurs, des liens, des affinités qui ont pu déboucher sur toutes sortes d’aventures collectives intéressantes. Toutes ces activités qui étaient aussi bien intellectuelles que commerciales, résultaient de cet esprit de camaraderie, de fraternité qui existait grâce à cette petite bande dont Bernard de Fréminville et Michel Parfenov qui a monté les éditions Solin. Ils avaient une vision politique du métier. Distique réunissait tous les éditeurs indépendants qui comptent aujourd’hui, Verdier, Le Castor astral, Lettres vives ; certains ont disparu mais étaient des pôles d’attraction à l’époque comme Le Tout sur le tout.
Quand Distique a fait faillite, j’ai été l’un des premiers éditeurs à embarquer chez le distributeur-diffuseur Harmonia Mundi. Après plusieurs années de bonne entente, j’ai fini par rompre car l’orientation ne me convenait pas : ça a toujours été une boite avec une vision entrepreneuriale forte. Harmonia Mundi a décidé de prendre d’autres éditeurs qui vendent plus que le noyau de départ dont je faisais partie, composé d’éditeurs très bien du point de vue de l’image mais pas toujours des ventes. Ils ont pris de la fantasy ou des domaines qui se sont révélés juteux. Je me suis retrouvé aux Belles Lettres puis au CED puis à Sodis où je suis resté un certain nombre d’années avant qu’ils me virent avec trente autres qui ne faisaient pas assez de ventes. Je suis retourné aux Belles Lettres depuis trois ou quatre ans. Quand on doit changer de distributeur, c’est une vraie difficulté : il faut s’y prendre longtemps à l’avance, il y a des libraires qui vous font des retours de plusieurs dizaines de titres, plusieurs centaines, pour les reprendre après car ils ne veulent pas être dans l’incertitude. Voilà le parcours en terme de distribution-diffusion, et ça résume assez bien la trajectoire de ce que peut être un petit éditeur qui a connu non seulement quatre décennies d’activité mais différentes époques.
Avez-vous observé des changements dans la relation avec les libraires ?
J’ai connu au moins deux générations de libraires avec un fonctionnement qui a beaucoup évolué en quarante ans. Je ne suis pas sûr que les règles intangibles qui étaient les nôtres il y a 25 ans aient encore cours : par exemple, la question de la non-concurrence aux libraires. Les éditeurs ne vendaient jamais un livre directement, c’était un dogme qui ne faisait pas débat. Aujourd’hui il n’y a plus un libraire qui nous reprocherait de vendre un livre directement. Les gens changent aussi, la culture change. Le métier que nous faisons est un métier de contenu, pas seulement de technique. Je ne crois pas que les jeunes générations s’intéressent à la littérature qui nous passionnait. Nous nous intéressions à la littérature des générations antérieures, on cherchait les racines de ce qui nous passionnait dans les écrivains des années 1950, 1960, des années 1920. Aujourd’hui, il y a une sorte de tyrannie du présent. Je publie des auteurs qui ont une longue bibliographie, une vraie notoriété mais qui ne disent plus rien à un jeune libraire. Je pourrais multiplier les exemples et c’est un peu décourageant pour un homme comme moi: j’ai l’impression de ne plus être perçu de la même façon que je pouvais l’être il y a vingt ou trente ans. Il y a une multiplication des expériences d’édition, des labels, des entreprises, telle qu’on est un peu dans le brouillard.
Et concernant la fabrication ?
J’ai une expérience particulière : j’ai été imprimeur pendant 25 ans, j’ai imprimé principalement pour Fata Morgana, Obsidiane, un peu pour Maurice Nadeau, plusieurs livres pour Arléa. On faisait des livres pour assez cher pendant toute cette période, c’est pourquoi j’ai cessé d’être imprimeur : je ne pouvais plus m’aligner avec les tarifs des industriels. Aujourd’hui, les industriels ont du mal à s’aligner sur ceux des pays de l’est. Une chose tout à fait concrète, presque désespérante au fond, c’est que je ne serais plus éditeur si je ne faisais pas imprimer mes livres à des tarifs très inférieurs en Bulgarie. C’est une réalité très simple. J’imprimais mes livres pour 45 % plus cher, il aurait fallu que je vende 200 exemplaires de plus pour amortir la facture. En dix livres, j’aurais fait faillite : j’existe encore parce que je fais imprimer mes livres moins cher. Tout le monde cherche à faire baisser le coût de fabrication parce que c’est très difficile de s’en sortir. On imprime moins cher mais est apparu une nouvelle dépense qui semble devenue impérative pour un bon nombre d’indépendants qui ne peuvent plus compter sur le seul travail des équipes commerciales de diffusion pour faire des mises en place suffisantes en librairies. Ils ont recours au service d’agence de surdiffusion, des relations libraires qui font un boulot d’entretien de la réputation, parlent de certains livres, suscitent un peu plus de désir chez les libraires, organisent des présences d’auteurs dans des salons, etc. Ça fait monter un peu les ventes, mais ça a un coût. Il y a une dispersion du prix payé par le client et il ne reste plus grand-chose pour personne.
Les tirages ont baissé aussi ?
Ah oui, dans mon âge d’or je ne tirais pas à moins de deux mille exemplaires, aujourd’hui plutôt à 500 ou 700 exemplaires. Ce que l’on devrait dire plus clairement, c’est qu’il y a 200 nouveaux livres qui paraissent chaque jour. Comment fait-on ? Il n’y a pas assez de lecteurs, pas assez de librairies pour absorber tout ça. Mais c’est une loi de l’économie : on répond à la mévente par la surproduction. Quand on vend moins, pour retrouver le même chiffre d’affaire, on multiplie le nombre de références. Un éditeur qui publiait dix livres par an, va en publier quinze pour retrouver le même niveau d’activité : c’est ce que tout le monde fait, y compris les éditeurs industriels. On se retrouve devant des vagues de nouveautés. Les éditeurs influents le disent aussi, il y en a même pour prétendre que c’est la faute des petits éditeurs qui répandent leur production sur le marché, mais c’est eux le problème et donc la solution. Conjointement, il y a une raréfaction de ce qu’on appelait autrefois les grands lecteurs qui lisaient cinquante livres par an. Plus de livres qui paraissent et moins qui s’achètent : on en arrive à la baisse moyenne des tirages.
Certaines maisons d’édition indépendantes sont rachetées par les groupes. Avez-vous reçu des propositions de rachat pendant ces quarante ans ?
Non. J’ai eu un moment de passage à vide où j’ai cru devoir déposer le bilan, alors j’ai essayé de me vendre, ce qui me fait dire, non sans raison, que pour être racheté il faut être un peu un vendu ! Par chance, je n’en ai plus besoin. Aujourd’hui, je ne sais pas ce qu’il adviendra du Temps qu’il fait quand je ne serai plus là, mais ça ne me préoccupe pas de la même façon que quand j’ai frôlé la faillite, qui aurait été pour moi une catastrophe personnelle mais aussi vis-à-vis des auteurs. Mon catalogue est trop vaste pour être absorbé d’une façon simple, il est aussi très lié à ma personne, les relations avec les auteurs sont trop mon affaire personnelle et même souvent une affaire privée, amicale. Le Temps qu’il fait n’est pas une entreprise neutre et n’est pas suffisamment développée pour avoir des collections qui marchent toutes seules et sont transmissibles. Tout passe par mon système mental à moi, les relations que j’ai avec mes auteurs, mon esthétique, ma vision du monde du livre, y compris négative.
Nombreux sont les éditeurs dont on pense qu’ils existent par eux-mêmes, alors que 80 % du capital appartient à un groupe. Ils ont été indépendants pendant une période, une période créative, mais quand ils cessent d’être indépendants, ils deviennent ce que les industriels ont besoin d’avoir : des sous-marques. Le public ne le sait pas. C’est une façon pour les groupes de diversifier, de ne pas avoir l’air d’être trop présents sur les tables des libraires. Des éditeurs qui ont quatre ou six sous-marques, s’il devait y avoir le nom du groupe sur toutes les couvertures, on verrait qu’ils bouffent tout.
Les relations avec les auteurs et les autrices ont-elles évolué ?
Je ne crois pas qu’il y ait de nette évolution. À un moment, un auteur arrive à un point de maturité où il a besoin ou envie d’une reconnaissance que je ne peux pas lui apporter et il va chercher un autre éditeur qui a plus de surface, de possibilités de vente. Il y a des ruptures aussi, qui viennent comme dans les affaires amoureuses : on ne s’entend plus, on ne s’aime plus aussi fort. Les auteurs que je publie ont rarement des ambitions professionnelles, c’est-à-dire vouloir gagner leur vie de la vente de leurs livres. Ça existe, il y a même des auteurs qui pensent qu’ils devraient pouvoir gagner leur vie en publiant de la poésie ! Je crois que c’est un pur fantasme. Certains disent que pour être un auteur heureux, il ne faut pas devenir un auteur professionnel. D’autres ont voulu ne plus faire que ça, et se retrouvent au bout de deux ans malheureux comme les pierres, à courir le cachet pour payer leur loyer. J’ai pensé pendant très longtemps qu’il suffisait d’avoir du talent pour trouver sa place, mais ce n’est pas vrai. Les auteurs avec lesquels je travaille ont une vision non mercantile de leur activité littéraire. Depuis plusieurs années, quand je fais un livre avec un nouvel auteur, je le préviens que ça ne va pas être du gâteau : pas de presse, pas de ventes, pas de droits ou presque rien.
Sauf l’imprimeur, tout le monde est un peu bénévole. C’est une sorte de contrat social qu’il faudrait passer. Il faudrait admettre l’idée, et je déplore de ne pas en avoir fait une affaire militante il y a vingt ans, qu’aujourd’hui un bon éditeur devrait être un éditeur de type coopératif. Même en littérature, en art, dans des domaines où précisément il n’y a pas d’enjeu idéologique apparent, là ça aurait vraiment du sens, j’allais dire : de la gueule. Mais c’est trop tard pour moi, je ne peux pas annoncer à mes auteurs avec qui je travaille depuis quinze ans : maintenant soyons coopérateurs. Je regrette de pas avoir réfléchi à ça plus tôt. Si nous avions été un certain nombre à fonctionner de cette manière-là, en disant : il y a l’édition officielle et il y a l’édition coopérative, on se prend en main, on existe par nous-mêmes en dehors du système industriel, nous aurions pu faire pièce à cette mainmise de l’industrie sur le métier. Que ce soit des éditeurs comme Verdier dont l’engagement politique n’est pas à prouver ou des gens comme moi, nous avons toujours travaillé en interdépendance avec des groupes de distribution-diffusion. Être dépendant d’une maison de distribution qui appartient à un groupe n’est pas une forme idéale d’indépendance. Est-ce que je suis complètement indépendant si je dépends d’un distributeur de groupe ? On parle de l’indépendance de contenu et de l’indépendance financière mais si je suis dépendant sur le plan de la distribution, je suis pas complètement indépendant. L’indépendance devrait se trouver partout ou nulle part.
On a l’impression qu’il existe deux types de maisons d’édition indépendantes, les hors système et celles qui veulent être dans la course…
Oui. Lorsque je disais que je regrettais de ne pas avoir basculé du côté coopératif, c’est que, avec beaucoup de mes semblables et des plus puissants, j’ai participé à l’aventure telle qu’elle est voulue par le système tout entier, c’est-à-dire par un certain nombre de grandes entreprises industrielles qui font la pluie et le beau temps et les règles de ce système. Vouloir autre chose implique de sortir du système tel qu’il existe, ne pas participer au système de la distribution-diffusion, etc. Mais est-ce qu’il faut aller jusqu’à ne pas jouer le jeu avec les libraires ? C’est la grande question. Pourquoi rester dans le système ? Parce que les libraires nous semblent les meilleurs interlocuteurs possibles pour nos livres. Or, c’est le reproche que j’aurais à leur faire, sauf exception les libraires sont devenus progressivement, et plus ou moins consciemment, des concessionnaires de l’édition officielle. Je le dis avec une certaine amertume mais il m’arrive, quand je me balade, de ne pas me rendre compte que j’ai changé de librairie parce que j’ai l’impression qu’elles sont toutes les mêmes. Je pense qu’il faudrait être beaucoup plus radical et dire : je ne joue pas le jeu mais sur rien.
Alors comment aller à la rencontre des lecteurs ?
Je n’ai pas la réponse, mais la question se pose et se posera de plus en plus. D’un autre côté, il faudrait aussi parler de la question des subventions. J’ai cessé de réclamer quelque subvention que ce soit, ni de fonctionnement, ni d’aide au programme éditorial, ni ponctuellement pour des livres. Tant pis, si je ne peux pas faire le livre, je ne le fais pas. Je ne me sens plus responsable comme à certaines époques de telle ou telle destinée d’auteur : si moi je ne le publie pas alors qui va le publier ? Je ne me pose plus ces questions, la nouvelle génération peut remplir cette fonction. Je tolère de moins en moins de boucher les trous d’un système qui les produit à tour de bras. Je ne peux pas être un éditeur de recours tout le temps : ça fait quarante ans, j’ai payé ma part du tribut. Il y a une autre constatation que je fais depuis un ou deux ans : pendant une longue période, je n’avais presque plus de presse, mais en ce moment ça n’arrête pas, j’ai de la presse tout le temps, les grands journaux à fort tirage, les quotidiens, les hebdos, la presse locale, je ne peux pas me plaindre. Mais le résultat sur les ventes est inexistant ! Je suis bien obligé de constater que pour certains livres j’ai dix ou douze articles et il ne se passe rien chez les libraires. Après le confinement, après que les librairies sont restées fermées et la polémique sur leur nécessité, on a dit : c’est formidable, les gens se remettent à lire, les librairies marchent très bien ! Mais les libraires vendent le pire comme le meilleur, donc «marcher» pour une librairie, ça veut dire quoi ? Vendre des bons livres ou vendre du papier ? Ce n’est pas la même chose. La bande dessinée, les mangas, les best-sellers qui se vendaient déjà par centaines de milliers se sont vendus à quelques dizaines de milliers de plus. Ce ne sont pas nos livres, bien évidemment, qui ont bénéficié de ce regain d’intérêt pour la lecture. On devrait pouvoir faire la différence : il faudrait des librairies pour les auteurs et des librairies pour les livres, comme il y a des rayons bio ou épicerie fine dans les supermarchés.
Malgré toute mon expérience, la réalité contredit tout le temps les intuitions, même les certitudes que j’ai pu avoir, ça ne marche plus, ça tient pas. Je n’ai plus de certitudes sur rien. Dans n’importe quelle activité économique ordinaire, on capitalise sur son expérience et sa réputation, on est de plus en plus connu, on a de plus en plus de clients, mais en édition ce n’est pas le cas, pas pour les petits éditeurs artisanaux comme moi, on part toujours à zéro.
Qu’appelez-vous des éditeurs artisanaux ?
Des éditeurs qui ont des pratiques qui s’apparentent à l’artisanat, qui n’ont pas de processus industriel d’aucune manière : ni dans la conception, ni dans l’écoulement de leurs livres. Ce sont des artisans en pensée, pas seulement en actes. Quand on fait des livres comme des produits, on est un industriel. Une des caractéristiques des livres produits, est que ce sont avant tout des objets marchands avant d’être des contenus. Quand il y a une bonne idée éditoriale, un type de livre qui marche, c’est immédiatement imité. Ça influence la création : les auteurs font la camelote dont ils pensent que c’est celle qu’on attend d’eux. Il y une grégarité de la pensée créative, une sorte de modélisation éditoriale, la plupart des livres produits résultent de commandes. C’est une calamité.
Il y a quarante ans, mon premier acte d’éditeur a consisté à me scandaliser parce qu’un livre d’Armand Robin, La Fausse parole, qui est devenu une référence pour mon catalogue, était épuisé chez Minuit. Je ne comprenais pas pourquoi il devait rester épuisé, alors que c’est un livre fabuleux, hors du temps. Quand j’ai demandé à Minuit de le récupérer, ils l’ont lâché sans difficulté. C’est le mystère de ce métier, le décalage entre la perception et la réalité : les livres dont on a l’impression qu’ils sont indispensables ne sont pas réimprimés, des livres dont on pense qu’ils sont formidablement écrit par des auteurs qui ont un style irréprochable sont parfois beaucoup réécrits par les éditeurs, certains auteurs tremblent à chaque fois qu’ils confient un nouveau livre alors qu’il n’y a pas une virgule à déplacer… Tout est surprenant dans ce métier, c’est pour ça que je continue après quarante ans. C’est une surprise de tous les instants et c’est une aventure humaine avec chaque auteur.
Un jour quelqu’un m’a dit : toi, tu as eu une vie choisie et pas une vie subie. Ce n’est pas la question de savoir si j’ai été plus ou moins confortable, si j’ai eu plus ou moins de conflits à dépasser, c’est secondaire par rapport à ce point névralgique : j’ai choisi ce que j’ai voulu faire et même si j’ai fait parfois des compromis, je n’ai pas dévié. J’ai des regrets, j’en ai beaucoup, mais j’ai fait ce que j’ai voulu.
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Un témoignage qui éclaire de manière sincère la réalité du monde de l’édition littéraire. Merci
Une remarque déprimante : les « grands lecteurs moins nombreux » il faut sans doute rapprocher cela du krach éducatif. De la désinvolture envers la langue (« un espèce de… »).
Une réflexion : il faudrait, même à petite échelle, séparer le bon grain de l’ivraie : avoir de bons « influenceurs » qui défendraient de manière motivée deux livres par semaine sur youtube.
Une autre : l’un de mes amis, qui édite des mathématiques (culturelles) a constitué un club de libraires « amis des maths ».