Scandaleux, pratique, tristement banal… Les films pornographiques sont accessibles en un clic. Mais si tout le monde regarde du X, il reste difficile de parler de sexe à l’écran. Depuis quelques années, pourtant, les producteurs de séries s’aventurent sur le sujet. Pas pour proposer des supports masturbatoires en épisodes, plutôt pour envisager le sexe en tant que sujet.
Steve Jobs en slip
Ovni entre tous, The Naked Director raconte l’ascension chaotique et néanmoins déterminée de Toru Muranishi (Takayuki Yamada), qui, dans les années 1980, révolutionne l’univers du porno.
Entrepreneur du X, ce Steve Jobs nippon en slip (c’est son grand truc, à Toru, se trimbaler en slip kangourou blanc, prêt à dégainer), ce Bernard Tapie du plaisir option punchline (« un type qui passe son temps à montrer son trou du cul ne peut pas être un menteur ») fait preuve de la même prétention que ses camarades des industries classiques. Il est roublard, il n’a peur de rien et affirme sa détermination nuit et jour pour produire davantage.
Mais la différence avec un Steve Ballmer tient probablement à l’activité elle-même: le fait de produire du porno. Les ficelles du bizness et les entourloupes peuvent être les mêmes que chez Procter & Gamble; montrer du sexe reste un métier inacceptable, même au sein d’un capitalisme débridé. En dehors de quelques fans, Toru est seul, il se fait taper dessus par chacune des strates de la société nippone depuis les ligues bien pensantes, les médias, la police ou encore les yakuzas. À l’inverse de Ballmer ou Jobs, Toru, lui, ne peut pas compter sur le monde des affaires (il passera d’ailleurs un deal avec un obscur gourou, les deux hommes se retrouvant dans leur volonté de « changer le monde » et leur goût pour les liasses de yen).
Outsider et belles images
La réussite de The Naked Director s’ancre dans deux points particulièrement réussis. Le ton (la comédie) et l’angle (l’ascension d’un entrepreneur qui développe le monde du porno) maintiennent tout au long des deux saisons un cadre souriant au sein duquel l’outsider Toru inspire la sympathie.
Il faut également rendre hommage à la photographie: de très belles images, des éclairages très travaillés – exactement a contrario du porno de l’époque. Enfin, le nu et les images pornographiques tiennent une place globalement juste – c’est quand même le sujet – ni trop, ni trop peu. On imagine la gageure et les batailles qui ont pu se jouer entre productions et réalisation.
The Naked Director, Netflix. Saison 01, 2019. Saison 02, 2021. Co-direction: Masaharu Take.
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