Insultologie Appliquée. La Terre se réchauffe, les esprits s’échauffent, les chefs d’État s’injurient : l’insulte est l’avenir d’un monde en décomposition. Chaque semaine, la preuve par l’exemple.
Les insultes traversent moins facilement les océans que les virus. Prenez Joe Biden, bien parti pour être le candidat démocrate aux prochaines présidentielles américaines. Le mois dernier, lors d’une halte de sa campagne dans l’État du Michigan, un ouvrier l’accuse en termes vifs de vouloir remettre en cause le deuxième amendement de la Constitution américaine, celui qui permet à tout citoyen de détenir une arme. Réponse de Biden : « You’re full of shit » suivi d’un « Don’t be such a horse’s ass ». Même une traduction littérale de ces propos en donne assez bien le sens : « Vous êtes plein de merde », et « Ne soyez pas un tel cul de cheval ». En gros, l’ouvrier s’est fait traiter de connard.
Plus compliqué maintenant. Début mars, lors d’un meeting, une étudiante interpelle Biden de façon plutôt agressive et ce dernier lui répond : « You’re a lying, dog-faced pony soldier ». Cette fois, même les Américains ont eu du mal à comprendre ce « Vous êtes un soldat à poney, menteur à tête de chien ». Il faut aller fouiller dans le patrimoine cinématographique pour trouver les racines potentielles de cette saillie bidenienne.
Dans Pony Soldier, film de 1952 connu en France sous le titre de La Dernière Flèche, le script fait dire à un chef indien : « The pony soldier speaks with a tongue of the snake that rattles ». Le soldat à poney parle avec une langue de crotale. Ou peut-être la bonne référence est-elle le film de John Ford de 1948 She Wore a Yellow Ribbon (La Charge Héroïque) où une voix off annonce : « So here they are : the dog-faced soldiers, the regulars, the fifty-cents-a-day professionals ». Ainsi les voici : les soldats à tête de chien, les réguliers, les mercenaires à cinquante cents la journée.
Ainsi Biden semble-t-il puiser ses insultes dans le cinéma du milieu du siècle dernier, une époque où son adversaire Donald Trump était encore en culottes courtes. Au chapitre des insultes, la relève paraît donc assurée à la Maison Blanche. Toutefois, pour ses futures joutes avec l’occupant actuel, Joe Biden aurait intérêt à faire plus direct. Par exemple, prenant les téléspectateurs à témoin et, désignant le clown Trump, il lui faudrait citer Groucho Marx : « Cet homme ressemble peut-être à un idiot, il parle peut-être comme un idiot. Mais ne vous méprenez pas, c’est vraiment un idiot. »
Édouard Launet
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