et face à la maison, de l’autre côté de la route, s’étendait un vaste cimetière qui remplaça, pour ma promenade matinale, les ruelles de mon ancien quartier. Dans sa partie la plus ancienne, le long du chemin des Ausses, les sépultures dataient du milieu du XIXe siècle. Il s’était agrandi progressivement vers l’ouest, en se rationnalisant: les tombes, plus alignées, plus basses, plus rectangulaires, moins ouvragées, souvent de simples dalles de marbre avec une épitaphe, se ressemblaient davantage, comme les voitures, en somme. Je parcourais les allées parfois de manière systématique, l’une après l’autre, parfois en les coupant, errant entre les caveaux, m’arrêtant à l’un d’eux, rêvassant sur un nom, un médaillon, une plaque, un bouquet de porcelaine, une date, un angelot et, de retour chez moi, je faisais des morts les personnages de nouvelles que j’envoyais à des concours et parfois, rassemblées en recueils, à des maisons d’édition.
Un matin, dans la partie dédiée aux morts incinérés — deux longues bandes de pelouse ponctuées de dalles de ciment couvrant de petits caveaux cubiques en attente de nouvelles urnes — je trouvai, pliée en quatre sur l’une de ces cavurnes vides, une feuille qui portait ces lignes:
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