Deux affiches sont visibles sur les murs parisiens pour annoncer l’exposition « Ultime Combat », au Quai-Branly, à Paris. L’une d’elle montre une aquarelle représentant Lady Snowblood, héroïne du manga éponyme (1973) de Kazuo Koike et Kazuo Kamimura ; sur l’autre, Bruce Lee, dans sa fameuse tenue jaune, fait face à la caméra dans Le Jeu de la mort (1978) de Robert Clouse. La première ravira les fans de bande dessinée japonaise ; la seconde ira chercher un public plus large, Bruce Lee faisant office depuis The Big Boss (1971), de Lo Wei, de passeur de la culture du combat entre l’Orient et l’Occident – un rôle d’ailleurs amplifié par les Kill Bill (2003-2004) de Quentin Tarantino.
Kakusitue no Oryu (2021, œuvre réalisée pour l’exposition), de Rina Yoshioka. © Musée du Quai-Branly-Jacques-Chirac. Photo: Pauline Guyon. Et Bruce Lee dans Le jeu de la mort, 1978, de Robert Clouse.
Zen, armures et mythologies
Ces deux affiches nous amènent pile sur le sujet développé par « Ultime combat » : l’histoire et les particularités des arts martiaux asiatiques vus via des références aux arts et cultures. Il est loin le temps où ces sujets n’étaient l’apanage que des geeks boutonneux. En Occident, le développement personnel détourne goulûment les techniques des arts martiaux internes (tai chi, baiji quan, etc.), tandis que la pop culture a fait siennes les mythologies liées aux combats d’une large Asie. De Paris à Los Angeles, on aime le kung fu, le zen, le wu xia pian (film de sabre chinois), les rōnins et les samouraïs. Témoins, les succès populaires de films comme Tigre et Dragon (2000) de Ang Lee, The Grand Master (2013) de Wong Kar-Wai ou les trois Détective Dee (2010-2018) de Tsui Hark.
Les commissaires d’exposition, Julien Rousseau et Stéphane du Mesnildot, ont d’ailleurs choisi le cinéma comme fil conducteur d’une scénographie qui va d’un territoire à l’autre. Depuis les arts hindous et bouddhiques, à un Japon tout en armures de samouraï, en passant par une science du combat chinoise entre médecine et nature, ce sont quelque 300 œuvres anciennes qui nourrissent un récit à la fois historique, philosophique et fictif. Chaque salle résonne de mythologies relayées par le cinéma d’auteur ou le cinéma populaire, d’Akira Kurosawa aux formidables séries B Baby Cart (1972) de Kenji Misumi, La Pivoine rouge (1968) de Kōsaku Yamashita ou le wu xia pian Un seul bras les tua tous (1967) de Chang Cheh.
Des armures japonaises à Goldorak, il n’y a qu’un pas allègrement franchi par la pop culture. La dernière salle de l’exposition ravira les amateurs de robots en tout genre. On pourra même y jouer à des jeux vidéo (notamment Street Fighter) sur console et bornes arcade.
Et Bruce Lee dans tout ça?
Né à San Francisco en 1940, le jeune Lee Jun-fan est élevé à Hongkong, où il apprend le tai chi ainsi que l’art martial traditionnel dénommé wing chun. De retour sur la côte Ouest américaine à l’âge de 19 ans, il crée son école avec la volonté de transmettre son art à quiconque souhaite l’apprendre. La communauté chinoise lui en fera le reproche – il est de bon ton de garder ses secrets pour soi, surtout quand il s’agit du combat. Repéré lors d’une démonstration, Bruce Lee joue dans Le Frelon vert (1964), une série télé de William Dozier. Le succès n’est pas retentissant, mais des stars, comme le basketteur Kareem Abdul-Jabbar, Steve McQueen ou James Coburn, suivent désormais son enseignement.
Entre pop culture et tradition, Occident et Orient, Bruce Lee reste à ce jour l’incarnation du passeur de valeurs asiatiques – le Chinois qui savait parler aux blancs. « Ultime combat » lui accorde une place centrale, dans une scénographie-hommage, digne du plus grand des petits dragons.
Ultime combat. Arts martiaux d’Asie, jusqu’au 16 janvier 2022 au musée du Quai Branly – Jacques Chirac
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