La revue culturelle critique qui fait des choix délibérés.

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46 – Vendredi 14 juillet, 20 heures
| 15 Août 2022

Bonsoir Anne. Le procureur Poisson m’a demandé d’intervenir une nouvelle fois dans le journal.

Les événements se multiplient, les décisions s’enchaînent. Notre nation est en danger. Les festivités du 14 juillet ont été annulées. Il n’y aura pas de feu d’artifice cette année. L’état d’urgence entre en vigueur ce soir. Le parlement a été mis en congé.

Si encore il ne s’agissait que de nous. À Londres un attentat a été déjoué cet après-midi. Rome est en alerte maximale. L’Espagne contrôle ses frontières. Bruxelles fait intervenir l’armée. Une réunion exceptionnelle doit réunir les 27 membres de l’Union tard dans la soirée. Les discussions se feront par visioconférence. Seuls le grand-duché de Luxembourg et l’Allemagne jugent ces mesures disproportionnées. À Berlin on continue à boire des litres de bière comme si de rien n’était. Les Luxembourgeois refusent de fermer les commerces et les banques. La réunion risque d’être houleuse. L’attitude de la Suisse est déjà condamnée par la plupart des capitales. Berne a annoncé que les autorités helvétiques ne tiendraient aucun compte des décisions que prendront les Européens. Nous savons par la Banque de France que les capitaux commencent à affluer à Zürich.

Vous permettez? Un message urgent s’affiche sur l’écran de mon portable. C’est une triste nouvelle que j’apprends devant vous. Le procureur Émile Poisson vient d’être abattu à la terrasse du café où je l’avais laissé avant de me rendre au studio. Émile voulait me communiquer des informations classées secret défense. J’ignore de quelle façon il se les étaient procurées.

Son substitut, un des rares hommes en qui il plaçait sa confiance, devait lui apporter les documents un peu après 20 heures. Je n’avais pas le temps d’attendre. Pris entre la nécessité de partager avec le public le récit de la journée et le désir d’en apprendre davantage, j’ai choisi mon devoir. La démocratie exige la transparence. J’ai abandonné Émile à son sort. Personne n’a rien vu. Depuis un mois les clients ont déserté les terrasses pour se réfugier dans les salles climatisées. Poisson et moi étions seuls. Lui d’ordinaire si sobre avait commandé un double scotch coupé d’eau gazeuse. Il se trouvait dans un état d’abattement profond. Émile ne supportait pas la chaleur. Comme je m’apprêtais à partir, il m’avait mis en garde. Le danger est partout. Je m’étais levé pour attraper un taxi quand il me rappela.

La vie d’Isabelle est menacée. C’est un témoin encombrant. Fais-la libérer. Au besoin organise une évasion. Le procureur me demandait de jouer les malfrats. Où va le monde?

 

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